Il est maintenant largement reconnu que les organisations internationales engagent leur responsabilité internationale lorsqu’elles commettent des violations du droit international. En 2011, la Commission du droit international a adopté un projet d’articles qui codifie et développe les règles concernant l’établissement et la mise en œuvre de leur responsabilité internationale. Ce projet d’articles contient des règles générales applicables à l’ensemble des organisations internationales. Toutefois, afin de prendre en compte leur diversité, il accorde une importance primordiale aux « règles de l’organisation », définies comme incluant « notamment des actes constitutifs, des décisions, résolutions et autres actes de l’organisation internationale adoptés conformément aux actes constitutifs, ainsi que de la pratique bien établie de l’organisation » (article 2(b) du projet). Plus particulièrement, l’article 64 confère à ces règles un rôle décisif en stipulant qu’elles peuvent constituer une « lex specialis » dérogeant aux règles générales du projet.
Certains auteurs soulignent que cette disposition pourrait permettre aux organisations internationales d'échapper à leur responsabilité internationale, facilitée par la formulation large de l'article 64, qui n'exclut pas la possibilité que les règles de l'organisation puissent s'appliquer dans la relation entre une organisation et des tiers, portant ainsi atteinte au principe de l'effet relatif des traités.
Ce mémoire de recherche vise à étudier l’interaction entre les notions de « lex specialis » et de « règle de l’organisation ». Il s’agit d’abord d’évaluer dans quelle mesure les « règles de l’organisation » remplissent les critères de la « lex specialis », qui exige une identité de matière et un conflit avec la règle générale. La recherche vise ensuite à classifier les différentes règles de l’organisation afin d’isoler celles qui dérogent aux règles générales du projet. Dans ces deux parties, l’étude vise également à s’interroger sur la portée de ses règles, notamment dans leur application aux tiers à l’organisation.