O. Weygand, Henri Longuechaud, « L'abominable » armistice de juin 1940, Op. cit, p.99, 1980.

P. Baudouin and . Op, Henri Michel, SHD, 1P 73, Lettre du général Huntziger à M. Hemmen (président de la sous-commission allemande aux affaires économiques), vol.19, pp.108-109, 1940.

. Shd, Télégramme de la délégation française à la commission d'armistice allemande au ministère de la Défense nationale, n°2603 /FT, 2 août 1940, Note du général Koeltz pour la délégation française à la commission d'armistice allemande, n°4606 /DSA, 31 août 1940 et Note du général Weygand pour la Direction des services de l'armistice, n°528 /SM, 4 septembre 1940. Les termes soulignés le sont par Weygand. pas quelque chose aux Allemands

. Shd,

. Shd, Note du général Weygand pour le général Colson, n°1505 /DN, 30 août 1940. Les 19 et 20 juin 1940, environ 40 000 soldats français et polonais franchirent la frontière franco-suisse pour échapper à la captivité

. Shd, Note du général Weygand pour le général Huntziger, 1 er juillet, 1940.

, fut décidé de prendre des mesures pour empêcher la sortie de ces soldats du territoire national : regroupement, surveillance, démobilisation. De façon explicite, le général Colson indiquait que ces mesures, si elles heurtaient le respect dû à d'anciens compagnons d'armes, correspondaient à ce que le IIIe Reich attendait du haut-commandement français 604

, ? Le refus de tout rapprochement avec l'Axe Sans parler déjà de rejet de la collaboration dans l'acception du terme qu'il prendra avec

W. Montoire and . Refusé-que-la-france-menât-une-politique-d', Ce que le ministre de la Défense nationale recherchait sur la scène internationale était avant tout de sortir la France du conflit en cours, a minima, qu'elle n'en souffrît plus. Dans ce cadre-là, il posait qu'il était de l'intérêt de l'Hexagone ne pas s'aliéner l'Angleterre 605 . Or, se jeter dans les bras de l'Allemagne ou simplement s'en rapprocher apparaissait comme le meilleur moyen de rompre irrémédiablement avec Londres, puis d'en subir les possibles conséquences : bombardement de la métropole, attaques de l'Empire colonial, etc. Si la France ne devait pas aider son ancien allié

, Seulement quelques jours après la signature de l'armistice cette politique fut mise à l'épreuve. En effet, le 3 juillet 1940, une escadre anglaise bombardait les navires de l'amiral

. Gensoul-qui-mouillaient-À-mers-el-kébir, Weygand refusa avec Baudouin que le gouvernement français se ralliât aux cris de vengeance poussés par l'amiral Darlan et, en mode mineure, par Laval 606 . Il s'opposa à l'idée de bombarder Gibraltar ou d'attaquer la flotte anglaise d'Alexandrie, c'est-à-dire d'opter pour une politique de rétorsions. Quant aux projets d'opérations militaires francoitaliennes, il les vit d'un oeil suspect lorsqu'ils émanaient de l'Italie et émit de sévères réserves si c'étaient des Français qui les montaient, une autre bloquait les bâtiments de la Royale en rade d'Alexandrie, tandis qu'en Angleterre les vaisseaux français étaient arraisonnés. Face à l'agression britannique

L. Ibid, . Colson, and . Weygand,

F. Charles-roux, Cinq mois tragiques aux affaires étrangères, p.82, 1949.

P. Baudouin and . Op, , vol.239, pp.242-243, 1940.

. Shd, Note pour le général Weygand sur l'état des relations diplomatiques avec les États-Unis, 16 juillet 1940. L'auteur de la note écrit en propos liminaires : « Les États-Unis n'ont pas observé, au cours des dernières semaines, l'attitude que nous aurions été en droit

R. O. Paxton and L. Vichy, Op. cit, p.240

. Shd, Fiche au sujet de l'application de l'article 10 de la convention d'armistice (non signée

R. O. Paxton, L. Vichy, and O. , de parties de l'Empire colonial sous la bannière de la croix de Lorraine. Lors des négociations d'armistice, Weygand avait déployé de nombreux efforts pour ramener dans le rang des responsables militaires d'outre-mer, et fit de même au cours de son passage à la tête du ministère de la Défense nationale pour maintenir l'acceptation de l'armistice au sein des colonies 622 . Or, le ralliement de possessions d'outre-mer à, p.49

, redoublant leurs appétits pour celui-ci. Ensuite, et surtout, les Allemands assortirent les libéralités qu'ils accordaient aux Français pour se défendre face à la dissidence gaulliste en Afrique équatoriale d'un avertissement sans fard : « un échec du gouvernement français face à cette situation entraînerait de sérieuses conséquences en ce qui concerne la politique générale de l'Allemagne vis-à-vis de la France, vol.623

, Britanniques à l'égard de la France et d'attiser leur rancoeur contre le gouvernement de Vichy

M. Dans-ses, Aux yeux du ministre de la Défense nationale, ceux-là avaient en effet le grave inconvénient de présenter l'armistice comme une sorte de renversement des alliances, tout du moins une trahison servant objectivement la cause de l'Axe. En définitive, c'est Weygand lui-même qui a le mieux tracé la ligne rouge à ne pas dépasser selon lui : il ne fallait se livrer « à aucun acte qui, pour un résultat sans valeur, aurait amené l'ennemi à resserrer son étreinte » 625 . Pour un homme qui considérait la paix proche, qui voyait la Grande-Bretagne bien faible et la France avec si peu d'atouts, face à la toute-puissance allemande

C. Rimbaud, L. Du-massilia, P. , and L. Seuil, Voir également SHD, 1P 51, 1984.

R. O. Cité-in, L. Paxton, and . Vichy, Op. cit, p.97

O. Weygand, Il écrit : « N'était-il pas explicable que les Anglais, ainsi orientés, aient voulu mettre hors d'état de nuire une flotte qu'on leur représentait comme prête à être utilisée par l'ennemi pour l'attaque de leur territoire qu'ils sentaient prochaine ?, p.333

. Ibid, Les conventions d'armistice et la mise en place d'un régime d'occupation dans les trois cinquièmes du pays requéraient la constitution d'une administration française qui pût appliquer celles-là et servir d'interlocuteur aux autorités étrangères chargées de celui-ci. C'était là une question de pure gestion bureaucratique. Néanmoins, dans l'esprit de Weygand, les organes et services que nous venons d'étudier avaient autant vocation à s'assurer de l'exécution loyale des armistices qu'à en être les garde-fous. C'est pourquoi il décida de donner à l'administration française d'armistice une ampleur en conséquence de la tâche qu'il lui assignait, p.327

, De fait, que ce soit les généraux Koeltz, Gérodias, Lahouille (secrétaire adjoint du StDN)

, esprit qui était le sien qu'en au fait de s'opposer à toute tentative des vainqueurs de déborder unilatéralement des conventions d'armistice. C'est ainsi que le général Lahouille, prétextant du silence de la convention franco-italienne, autorisa la direction 'empêcher l'Axe de profiter de la situation, les responsables de l'administration d'armistice partageaient également avec leur supérieur ses méthodes, notamment le juridisme. Par exemple, le général Koeltz signifia au Commissariat général du ravitaillement que, l'article 10 de la convention de Villa Incisa ne prévoyant que la remise d'armes et de matériels, ou l'amiral Fernet, ses subordonnés ont fidèlement répercuté ses ordres et ont dirigé leurs services dans le même état d

, Nous avons déjà parlé des comités locaux d'assistance aux Italiens en France, pour lesquels Weygand imagina un dispositif consistant à adjoindre à la délégation de la Croix rouge française auprès de ces comités des représentants des différents ministères, plus ou moins sous couverture. Mais il s'agissait avant tout et surtout de surveiller les agissements des commissions de contrôle de l'Axe, À cette mission d'opposition et de protestation s'ajoutait une fonction préventive : surveiller les faits et gestes des représentants allemands et italiens sur le territoire français

O. Weygand, , pp.314-315

. Shd, Note du général Lahouille pour la Direction des fabrications, 1940.

. Shd, Note du général Koeltz pour le Commissariat général du ravitaillement, 5 juillet 1940. exemple, le ministre de la Défense nationale créa une délégation de la

, Une absence d'unité de vue et d'exécution entre et au sein d'elles exposait en effet la France à de potentielles mesures de rétorsions et permettrait aux Allemands ou aux Italiens de tirer parti de ces divisions internes -nous l'avons vu dans le cas du démarchage par des représentants allemands d'industriels de la zone occupée. Le ministère de la Défense nationale donna donc des consignes pour que cela ne pût se produire. Tout d'abord, tous les responsables devaient être au courant des instructions prises par Weygand et, de façon plus générale, des positions arrêtées par le gouvernement, Empêcher les vainqueurs d'aller plus loin que l'armistice dans son application requérait que toutes les autorités civiles et militaires françaises accordent leurs violons

. Ensuite, tout le monde avait à rester à sa place, vol.648

, Il importe de rappeler à [tous] que les réponses à faire aux commissions allemandes doivent être aussi concises que possible, que seuls les officiers de liaison sont qualifiés pour

, Tout officier ou gradé subordonné n'ayant pas reçu mission de présenté une pièce comptable [?] doit, à toute question qui lui est posée, répondre « je ne puis vous répondre. Je vais prévenir mon officier

, Enfin, les ordres valables étaient uniquement ceux émanant des autorités françaises. À ce titre, le chef de la DSA rappelait que si les Allemands semblaient vouloir eux-mêmes accélérer la livraison des stocks de matériel militaire, cette opération restait uniquement sous la direction des Français et se déroulerait selon les seules consignes de l'état-major de l'Armée 649

, Le meilleur moyen d'assurer l'unité de vue et d'exécution au sein des administrations françaises était de placer celles spécifiques au régime de l'armistice en position centrale

. Shd, Instruction du général Weygand sur la création d'une délégation de la DSA en AFN, 1940.

. Shd, Note du général Koeltz pour le général Colson, n°2095 /DSA, 31 juillet, 1940.

. Shd, Note du général Koeltz pour le secrétariat d'État à la Guerre, n°3410 /DSA, 18 août, 1940.

. Shd, Rapport du général Koeltz sur le fonctionnement du contrôle allemand sur l'armée (10-16 août 1940, pp.17-1940

, Weygand posa le cadre 650 : comme le gouvernement avait décidé de centraliser au ministère de la Défense nationale les questions relatives à l'exécution de l'armistice, toutes les communications entre les ministères et les DFCA -donc par extension avec l'Italie et l'Allemagne -devaient passer par l'intermédiaire de la DSA, via le StDN. Ce cadre souffrit rapidement d'exceptions, des délégués des différents ministères étant autorisés à traiter directement des détails d'exécution avec les DFCA. Cependant, aux dires de Weygand 651, dans les relations entre la France et les vainqueurs, qu'entre les autorités hexagonales. Le 27 juin 1940

. Vichy, Il fit de nombreux efforts pour qu'elle fût effective. D'une part il y veilla jalousement. C'est ainsi que Weygand dut rappeler au général Colson et à l'amiral Duplat que la délégation française à Turin devait s'abstenir « de liaisons directes avec les régions militaires » 652 , mais devait d'abord contacter la DSA, qui étudierait alors les questions soulevées par la délégation puis transmettrait les décisions prises par le ministère de la Défense nationale au secrétariat d'État à la Guerre, celui-ci donnant enfin les ordres d'exécutions aux régions militaires. D'autre part, comprenant que sa tactique du juridisme ne pouvait faire l'économie du détail des faits et méfaits des vainqueurs, il demanda à ce que la DSA fût constamment et le plus exactement informée de l'action des autorités d'occupation, le commandant en chef français ne se contenta pas de la réclamer ou de la signifier à ses collègues

, Il fondait ce souci sur des raisons d'efficacité, la centralisation et l'unité devant permettre à la fois de gagner du temps, de pouvoir protester du mieux que possible et de ne pas prêter le flanc aux vainqueurs. Cependant, il ne nous échappera pas que la centralité qu'il revendiquait pour les administrations d'armistice et son exigence d'unité de toutes les autres autorités françaises derrière celles-là étaient également des leviers pour imposer sa ligne d'action par rapport aux vainqueurs, Weygand entendait donc que le haut-commandement français fût l'institution qui gère de bout en bout la chaîne d'exécution de l'armistice

. Shd, Note du général Weygand pour tous les ministres et pour le SGCSDN, n°120 /DN, 27 juin, 1940.

O. Weygand, , p.316

. Shd, Note du général Weygand pour le général Colson, l'amiral Duplat et le général inspecteur des régions militaires du Sud-Est sur les liaisons normales entre les divers organes de commandement

. Shd, Note du général Weygand pour le général Colson, n°2010 /DSA, 29 juillet, 1940.

, Axe, la robustesse de l'armature administrative qu'il mit en place, donnèrent à Weygand la possibilité de gérer l'application de l'armistice. De fait, les archives montrent qu'il apposa largement sa marque dans les affaires courantes relatives à celle-ci. Cependant, on ne peut que constater son échec à peser en toute circonstance sur les décisions du Conseil des ministres en matière d'affaires étrangères -lui-même l'a admis 654 . En effet, sur nombre de sujets importants, Touchant rapidement les dividendes de sa trahison envers Paul Reynaud

, son allure était aussi circonspecte que la manière dont l'historien doit se saisir de ce qu'il présente comme des notes prises au jour le jour. Malgré les (nombreuses) contradictions qu'elles comportent, la comparaison avec les Mémoires de Weygand montre une chose certaine : ces deux ministres furent convaincus d'être sur la même ligne politique. Conviction étayée par des faits car, Affaires étrangères. Front haut, lèvres pincées, visage rond d'où sortait un nez pointu

. Pourtant, Baudouin a admis lui-même qu'il était prêt à une « collaboration économique » 655 avec l'Allemagne et l'Italie

, Weygand a considéré qu'il partageait son point de vue sur la ligne à suivre. D'ailleurs, lorsqu'il apprit que celui-là lui succéderait à la tête de l'armée française, il s'en dit pleinement satisfait à Baudouin, pensant certainement que ce général d'armée relativement jeune (60 ans en 1940) ferait un parfait héritier. La réalité est nettement plus nuancée. Paxton a révélé l'existence d'une note compromettante, datée du 10 juillet 1940, que les services de renseignements allemands retrouvèrent sur le bureau du général Huntziger 657 . Dans celle-ci était étudiée la possibilité d'une attaque de l'armée française du Levant sur les mandats britanniques, vol.656

P. Baudouin and . Op, , pp.259-263

R. O. Paxton, L. France-de, and . Vichy, Op. cit, p.104

, Or celui-là, dans une lettre du même jour à celui-ci, tint des propos similaires, en tout cas pour ce qui est de la contribution française à l'édification de la « forteresse Europe ». En effet, il indiquait à son supérieur que pour « tirer bénéfice de [Mers el-Kébir] » il fallait compter « non sur la reconnaissance, mais sur les éléments positifs que nous pouvons apporter à la constitution dans la force d'abord, Comme l'historien américain n'indique pas explicitement que le chef de la DFCAA est l'auteur ou a signé cette note, il serait difficile d'en conclure qu'Huntziger, personnellement, a songé à des opérations que Weygand aurait catégoriquement refusées

, D'une part, ils s'inscrivent dans un cadre particulier, ayant été rédigés une semaine seulement après le déclenchement de l'opération Catapult. D'autre part, ils n'ont vraisemblablement pas eu de suite sous la plume du président de la délégation française à Wiesbaden. Néanmoins, ils montrent au moins que le général Huntziger n'était pas a priori défavorable à une entente avec l'Axe. Par conséquent, il ne partageait pas dans l'absolu l'idée de Weygand de tenir la France à l'écart des deux camps. Cette divergence par rapport à la ligne neutraliste définie par le premier ministre de la Défense nationale de Vichy, s'applique également au corolaire de celleci, Il convient de ne pas trop investir en interprétation dans ces deux documents

, En effet, en attendant que la situation se stabilise, tant à l'intérieur (installation et fonctionnement normal des administrations) qu'à l'extérieur (issue au conflit), il fallait bien que dans l'immédiat quelqu'un la prît en charge. Dans ce cadre-là, le choix de Weygand était celui-là serait un moyen d'asservissement de l'ancien allié continental au profit des ennemis de l'Angleterre. Surtout, les dirigeants britanniques se représentèrent très rapidement Vichy a minima comme un allié objectif de l'Allemagne et de l'Italie. Aux discours de Churchill décrivant le gouvernement de Pétain comme une marionnette entre les mains de l'Axe s'ajoute comme preuve de la vision anglaise d'une France passée dans l'autre camp, la décision du cabinet britannique d'assimiler aux territoires allemands l'ensemble de la métropole française et de l'AFN 660 . Par conséquent, non seulement la France était maintenue contre sa volonté dans la guerre

. Troisièmement, Sur ce point, une fenêtre s'était ouverte après Mers el-Kébir, Halifax ayant proposé un échange (officieux) de personnalités de haut-rang entre Londres et

. Vichy, Mais l'affaire n'eut pas de suite car le représentant britannique désigné ne fut pas autorisé à s'installer dans la sous-préfecture de l'Allier. De même, les tentatives françaises pour adoucir le blocus britannique reçurent de la part de Churchill une fin de non-recevoir. Bref, comme l'écrit Henri Michel

. ?-la-france, Du côté des vainqueurs, ce qui allait à l'encontre de la ligne neutraliste de Weygand n'était pas tant qu'ils souhaitaient entraîner la France dans leur camp, que leur volonté de se servir de l'armistice et de la position de faiblesse de leur voisin occidental pour mener à bien leurs projets, c'est-à-dire battre la Grande-Bretagne et asseoir leur domination sur l'Europe 662 . Dans ce cadre, l'armistice représentait pour eux un minimum

. Weygand, où des exigences qui se multiplièrent et une série d'actes où les Français furent simplement mis devant le fait accompli, notamment avec la politique de pillage que l'Allemagne mena 663

P. Baudouin and . Op, Baudouin rapporte, à la page 303 de son ouvrage, que Churchill qualifia le gouvernement de Vichy comme un « gouvernement de fantoches, pp.303-269

H. Michel and . Op, , p.237

R. O. Paxton, L. France-de, and O. Vichy, ère éd. all. 1966), 554 pages) ont montré, d'une part que la collaboration était une initiative française et, d'autre part, qu'Hitler n'a saisi que ponctuellement cette main tendue par les Français, toujours dans la seule perspective d'arracher toujours plus de concessions, vol.96, p.95, 1968.

H. Longuechaud, . Op, I. V. Chapitre, and P. , du moins empêcher que la France servît les intérêts de l'Allemagne et de l'Italie, Weygand s'est lourdement trompé. Face au cynisme des vainqueurs, devant leur politique de prédation et dans l

?. Weygand,

, Où pouvait mener la ligne neutraliste que Weygand souhait faire triompher ? Du côté de l'Angleterre, elle conduisait à une impasse. Car la Grande-Bretagne n'aurait reconnu le gouvernement de Vichy et sa neutralité officielle que si celui-ci aurait, en retour, donné des gages suffisant à la cause des Alliés -comme par exemple la mise en sûreté de la flotte

, Du côté de l'Allemagne, elle pouvait conduire à une rupture de l'armistice. Hitler, excédé par les protestations et les demandes françaises, aurait pu finir par décider d'achever sa victoire de juin 1940 en réservant à la France le sort de tant d'autres pays occupés. C'est la thèse que présente Paul Baudouin, indiquant au surplus que Weygand la partageait : il fallait se tenir prêt à ce que le gouvernement fût fait prisonnier plutôt que de céder à la force brutale des vainqueurs en accédant à toutes leurs demandes 666 . Cette façon de voir les choses n'était pas sans fondement. Mais elle oublie que le refus français de l'ultimatum allemand du 16 juillet avait montré qu'il était possible de tenir tête à l'Allemagne, même sur les sujets les plus importants ou délicats. Cela ne préjugeait certes pas de la possibilité de s'opposer aux vainqueurs à long terme sans que ceux-ci n'imposassent leur loi par la force des baïonnettes. Entre, d'un côté, une Grande-Bretagne qui semblait refuser toute politique étrangère française ne tendant pas à clairement l

, Dans ce cadre-là, la ligne neutraliste qu'il adopta revenait à mettre la France sur un fil de funambule que les belligérants cherchaient

, ère éd. all. 1966), p. 87). D'une part, « l'Allemagne ne [conclurait] pas avec la France une paix « chevaleresque » ». D'autre part, « à l'avenir, la France [jouerait] le rôle d'une « Suisse agrandie » ». Enfin, « en Europe, seule l'Allemagne [commandait] ». Non seulement dans ses négociations avec l'Allemagne, la France aurait affaire à un adversaire particulièrement retors et ne la considérant pas comme son égale, mais dans l'Europe sous domination nazie elle n'avait qu'une place de seconde catégorie. Cette vision, propre à justifier toutes les demandes allemandes à l'égard de l'Hexagone, incitait également à tirer l'interprétation de la convention d'armistice vers le préambule de celui-ci, Les caractéristiques que nous venons de soulevées sont tout à fait conforme à la vision qu'Hitler avait de la place de la France et qu'il donnait à voir dans sa directive n°490 (citée in Eberhard Jäckel, 1968.

P. Baudouin and . Op, , pp.263-265

, Or, il était un dogme établit depuis longtemps dans l'armée française, et que l'affaire Dreyfus avait fait bruyamment resurgir : même si l'Armée se trompait, le patriotisme obligeait à ce que l'on le cacha, voire que l'on le nia. Par conséquent, il fallait prouver qu'elle n'avait pas failli. C'est pourquoi, dès avant que les hostilités ne furent suspendues, l'état-major de l'Armée s'était lancé dans une propagande en ce sens 669 . Les combats avaient été sanglants, les unités françaises avaient tenu bons mais furent submergées par le nombre, forcées à reculer sans pour autant courir à la débâcle. Quant aux officiers, ils étaient restés parmi leurs hommes, accomplissant leur devoir de chef. Cette campagne de presse qui avait débuté alors que celle militaire n'était pas terminée se poursuivit durant l'été 1940. Ainsi, pour faire face à ce qu'il considérait comme des calomnies de la part de la presse parisienne, Weygand envoya à Laval un projet d'article visant à « faire connaître au public la conduite des officiers généraux au cours de la guerre » 670 . À ces efforts à destination du public s'en ajoutaient d'autres visant à ce que l'armée ne fît son autocritique qu'en interne. S'il y avait eu des défaillances, si certains officiers ne s'étaient pas montrés à la hauteur de leur responsabilité, La rapidité et la brutalité de la défaite militaire ne pouvaient que pousser les hauts-gradés français, Weygand en tête, à comprendre qu'ils n'échapperaient pas facilement aux accusations de la part de l'opinion publique. Comme le souligne Emmanuel Berl, les généraux n'étaient pas tellement plus appréciés que les hommes politiques, en juin 1940 à Bordeaux 668

, Emmanuel Berl, Op. cit, p.99

, Communiqué du général Koeltz au commandant Viallet, 24 juin 1940. Le commandant Viallet devait, à la demande du maréchal Pétain, « établir un memento » qui serait communiqué à la presse, et dont le « but

. Shd, Lettre du général Weygand à Pierre Laval, n°1319 /DN, 22 août 1940

. Corap, commandant malheureux de cette grande unité, qu'il était lavé de tout soupçon. Mais, en même temps, il lui demandait de ne pas faire état publiquement de cette réhabilitation, par peur de rouvrir la polémique 671 . Ensuite, seul le haut-commandement devait avoir la main, tant sur le fond que sur la forme, sur les suites à donner aux erreurs d'officiers. En ce sens, c'était autant la publicité que Reynaud avait donnée aux limogeages de généraux qui avait hérissé Weygand -de concert avec Pétain

, Mais, s'il ne pouvait aller jusqu'à dire qu'il n'y avait pas eu d'aspect militaire à l'effondrement français, il lui était toujours possible de le minorer. Ainsi, se lancer dans une démonstration d'une armée ayant tenu bon nécessitait symétriquement d'imputer la cause originelle de la défaite à d'autres, Le commandant en chef n'était pas dupe : si la France avait subi une aussi cuisante défaite, l'armée y avait sa part de responsabilité 672

. Britanniques, Autrement dit, avant même que l'armée ne combattît, par sa décadence la société française était déjà défaite. Non seulement ce concept permettait de ne pas faire porter sur l'institution militaire l'origine de la débâcle, mais il lui donnait le moyen d'en prendre sa part sans pour autant être atteinte en elle-même par cette explication : les réservistes. Comme ils n'appartenaient pas organiquement à l'armée, les charger n'impliquait pas d'accuser celle-là, tout en fournissant une cause militaire à la déroute. Du reste, nous l'avons vu plus haut avec Weygand, la propagande lancée par le haut-commandement visait avant tout à protéger le corps des officiers, Pétain avait fait trôner -en chorus avec une bonne partie des généraux -« l'esprit de jouissance » 673 dans une allocution du 20 juin 1940

, SHD, 1P 1, Lettre du général Weygand au général Corap, n°1610 /DN, 20 août 1940. Le rapport sur les opérations de la IX e armée avait été demandé par Weygand au général Dufieux dans sa note n°1064 Cab/FT du 25 mai, 1940.

, Weygand avait dénoncé le fait que la France était « entr[ée] en guerre en n'ayant ni le matériel qu'il fallait, ni la doctrine militaire qu'il fallait ». Si pour la question du matériel la faute pouvait en être rejetée sur le pouvoir politique

J. Azéma, P. , and L. Seuil, Lettre du général Gamelin à Daladier, 17 mai 1940) il écrit que si « les défaillances existent » « elles sont le résultats de « vingt ans de facilités », Il développera ce thème dans un rapport du 18 mai remis à Reynaud (cf. Philippe Masson, Histoire de l'armée française, p.243, 1940.

, sur les entraves que ceux-ci avaient posé à l'exécution des ordres prescris par le GQG ou l'état-major de l'Armée pendant la campagne de 1940. Le nouvel inspecteur des forces terrestres lui fit retour en proposant qu'une telle enquête s'ouvrît dans chaque région 674 . Il s'agissait donc d'avoir des preuves, sous la forme d'une liste de faits précis -en plus de l'exode, à verser au dossier de la disculpation du haut-commandement

, Il demanda à Adrien Marquet de prendre des mesures contre le conseil municipal de Pessac-sur-Dordogne car celui-ci avait eu l'audace, dans une de ses délibérations, de juger des décisions du GQG d'une façon « malséante » 675 . Ainsi, en jugeant que l'armée ne devait subir aucune attaque venant de l'extérieur, Enfin la défaite laissa Weygand à fleur de peau par rapport aux critiques à l'encontre de l'armée

. ?-l'armée-À-l'honneur,

, En ce sens, l'idée selon laquelle l'institution militaire devait être le foyer du redressement, tant matériel que moral, du pays servait tout aussi bien à en faire quelque chose d'inattaquable car donnant l'exemple. Hormis la transformation de l'armée en guide, la mise à l'honneur de celle-ci passa par toute une série d'actes ponctuant les premiers pas de Pétain et de Weygand au pouvoir, dont on peut notamment retenir l'importance du nombre de décorations usuelles (Légion d'honneur, médaille militaire) qui vinrent s'accrocher sur les vareuses ou la révision des questions de préséance entre autorités civiles et militaires 676 . Surtout, il convenait de mettre en valeur l'armée par le biais d'une propagande à deux volets, Le commandant en chef français, à l'unisson de ses confrères, chercha à surcompenser devant l'opinion publique la défaite subie par l'armée en faisant d'importants efforts pour qu'elle fût mise à la première place de la scène nationale

. Shd,

. Shd, Lettre du général Weygand au ministre de l'Intérieur, n°1322 /DN, 22 août 1940. Baudouin note que Weygand « transforme la moindre observation en critique contre l'armée

P. Baudouin, Éditions de la table ronde, p.237, 1948.

, L'auteur raconte que le général Brécard, chef de la maison militaire de Pétain, s'indigna devant lui que, selon le protocole de la IIIème République, Le Temps des illusions. Souvenirs (juillet 1940 -avril 1942, p.19, 1946.

, opinion publique l'image de soldats et d'officiers qui luttaient vaillamment pour le salut de la Patrie, demandant par exemple à ce que l'on mette en valeur par voie de presse les faits d'armes et actions d'éclat 677 . Avec l'armistice cette volonté de soutenir l'image de l'armée se transforma en tentative de la restaurer auprès de la Nation

, Dans une lettre datée du 5 juillet 1940 aux commandants et aux inspecteurs des régions militaires, le général Georges signalait que le ministre de la Défense nationale « insist

, une fois de plus pour obtenir des récits de combats et en général des faits d'armes

, Cela avait pour but non seulement « d'avoir une influence heureuse sur l'état d'esprit du pays » -on retrouve ici l'idée que les militaires, par leur exemple, servent au redressement national, vol.678

, Le second volet, complémentaire du premier, visait à ce qu'il n'y ait pas une désaffection de celle-ci à l'égard de celle-là. Les généraux Colson et Besson pointaient ce danger 679 : si rien n'était fait, la défaite, par sa portée morale, aurait des conséquences néfastes sur le recrutement. L'enjeu ici était tout autant que les Français ne se braquent pas contre l'armée -question de principe, qu'ils lui donnent les moyens de survivre. Autrement dit, il ne fallait pas qu'ils fussent indifférents à son égard, mais qu'ils s'intéressent à elle. Il en allait de la pérennité de l'institution militaire française. Pour se faire, les généraux français demandèrent à ce que fussent mises en avant les valeurs militaires, Il s'agissait donc bien d'éviter que l'institution fût déconsidérée au sein de la population

, ? Un haut-commandement anxieux

L. Dans and . Vichy, Paxton décrit des généraux français qui crurent, au soir de l'armistice, que la défaite pouvait réussir là où l'antimilitarisme

, Note du général Weygand pour le général Georges, le général Vuillemin et l'amiral Darlan, n°585 Cab/DN, 5 juin 1940. Il avait également exigé que la campagne de propagande orchestrée à son endroit lors de sa prise de fonction fût étendue à l'ensemble des chefs d'armée (cf. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Les Français de l'an 40, tome II, Ouvriers et soldats, SHD, 27N 13, Note du général Weygand pour le général Doumenc, 25 mai 1940. SHD, 27N, vol.3, p.615, 1990.

. Shd, Lettre du général Georges aux commandants et aux inspecteurs des régions militaires, p.39

/. Igft, 8 juillet 1940. C'est nous qui soulignons. Georges avait déjà envoyé des télégrammes en ce sens les 26 juin (n°2138 3/OP) et 2 juillet

. Shd, Note du général Colson pour le général Weygand, n°332 /SP, 18 juillet 1940. SDH, 3P 118, Note du général Besson sur la réorganisation de l'armée, n°30 IR, 1940.

R. O. Paxton and L. Vichy, Le corps des officiers français, pp.26-39, 1940.

, Note du général Besson sur la réorganisation, n°30 IR, 21 juillet 1940 et Note du général Olry pour le général Georges, n°123, mi-juillet 1940. Pour le premier, « pendant vingt ans le pays s'est désintéressé de son armée » et la défaite « risque d'accroître encore [nous soulignons] la désaffection pour l'armée ». Pour le second, des « actes successifs » ont « rabiass

M. Weygand and T. Iii, , pp.140-142, 1950.

, Allemands ne s'étaient pas empresséss de rassurer leurs interlocuteurs. D'après les indications que le chef des plénipotentiaires français lui avait fournies, le généralissime nota dans son journal au soir de la première journée de négociations (21 juin) en commentaire de l'article 4 (démobilisation et désarmement) de la future convention : « Les Allemands envisageraient d'accorder 100 000 hommes à titre de période de transition pour le territoire non-occupé » 683 . Le principe du maintien d'une armée française ne semblait donc pas acquis, et, quand bien même il le serait, il ne vaudrait pour l'instant que jusqu'à la paix. Même lorsque, en définitive, les vainqueurs autorisèrent la France à conserver une telle force militaire, cette décision ne fut pas inscrite à l'intérieur de la convention d'armistice, mais dans un document à part, dont on assura les Français qu'il était un engagement personnel d'Hitler 684, Néanmoins, l'essentiel était là : la délégation française avait réussi à obtenir un avantage de taille

, « Concédé » ici raisonne comme une sorte de libéralité de la part des Allemands, et qui, de plus, apparaît au regard du rapport de forces comme un véritable fait du prince de la part du Führer. Autrement dit, cette précieuse concession était frappée du sceau de la précarité, dans le sens où les vainqueurs pourraient revenir dessus unilatéralement et à n'importe quel moment. C'est pourquoi juste avant la signature de l'armistice, la délégation française avait unanimement émis un avis négatif à la demande de Weygand que fussent adjointes à la convention les réponses allemandes aux questions françaises, par peur que le refus de Keitel ne réduisît la portée de celles-là. Plus généralement, il s'agissait de ne rien faire qui pût inciter les Allemands à reprendre ce qu, Huntziger avait déclaré à Weygand que le IIIe Reich avait « concédé » cet avantage. l'état d'esprit dans lequel le haut-commandement entendait aborder les futures discussions à Wiesbaden

. Shd, Journal du général Weygand, 1940.

R. O. Paxton and L. Vichy, Op. cit, p.55

. Ibid, , pp.23-25

P. Dans-ce, Il cherchait par-là à circonvenir la menace, en tarissant toute source potentielle de défection à l'intérieur de l'institution. Pour ceux qui firent le mauvais choix, la sanction allait plus loin. Le 21 juillet, Weygand proposait à Pétain la « mise à la retraite et la radiation de la Légion d'honneur de tous les militaires de carrière jugés par une cour martiale pour fait de désertion au profit d'une puissance étrangère » 689, le détail de sa mission précisait qu'il sonde en particulier l'« état d'esprit 'article 10 de la convention d'armistice : rappel des unités en Angleterre, ordre de n'apporter aucune aide à de Gaulle, etc

, ? Séparer le bon grain de l'ivraie

, Conserver une armée n'allait pas sans procéder à une certaine épuration en son sein, ne serait-ce que pour montrer à la troupe et aux cadres que le haut-commandement tirait les enseignements de la défaite. Celui-ci faisait ici une pierre deux coups, car l'armistice imposait une réduction drastique des effectifs, Trois catégories furent implicitement définies

, Il y avait ceux désignés pour rester dans l'armée dite d'armistice, qui formeraient vraisemblablement la base de celle qui émergerait à la paix

, En effet, seulement un jour après l'entrée en vigueur des armistices, il demanda au général Georges de dresser une liste d'officiers d'active coupables d'impéritie durant les dernières opérations, Weygand semble avoir beaucoup tenu à ce point

. Shd, Note du général Weygand sur la mission confiée à Monsieur de Mesmay, n°1543 /DN, 31 août, 1940.

R. O. Cité-in, L. Paxton, and O. Vichy, plusieurs reprises sur cette exclusion des inaptes 690 . Enfin, entre les deux, p.156

, Défense nationale proposa, à la suite du général Koeltz, l'institution d'un congé d'armistice, qui était une simple mise sur la touche dans l'attente du traité de paix

, Symétriquement à ces mesures d'épuration, d'autres visaient à choyer les hommes

, tant du fait de ses valeurs d'honneur que par pragmatisme. En effet, de telles actions renforcent la cohésion, créent un sentiment d'appartenance et permettent de soutenir la comparaison avec d'autres secteurs professionnels, donc, in fine, contribuent à éviter la fuite des ressources humaines. Le cadre de la défaite ne pouvait donc qu'inciter le haut-commandement à multiplier les gestes envers la troupe et les officiers. Il y eut bien sûr des décisions d'ordre matériel, Le fonctionnement normal de l'institution militaire implique de récompenser les braves et d'améliorer si possible le sort matériel de ses membres

, Mais ce furent surtout les récompenses symboliques que Weygand affectionna, les contraintes budgétaires de l'heure ne l'autorisant pas à être prodigue en termes pécuniaires. Ressortant de ces mesures, citons pour l'exemple les ordres du jour félicitant une ou des unités s'étant illustrées 691 , les remises en abondance de décorations -rappelons que pendant la campagne de 1940, il avait souhaité la création d'insignes visant à distinguer tout soldat ayant détruit un avion ou un char -ou encore la création

, ? Les mesquineries de l'honneur

, Dans un chapitre intitulé « Les drames de l'honneur », Jean-Louis Crémieux-Brilhac regroupe notamment sous cette appellation les prescriptions du commandement visant à ce

. Shd, Note du général Weygand pour général Georges, n°94 /DN, 26 juin 1940. SHD, 1P 54, Note du général Weygand pour le général Colson

. Weygand, Il mettait à l'honneur les soldats de la ligne Maginot, qui ne se rendirent que sur ordre express du haut-commandement français

, Pour la législation sur la carte du combattant 39-40, voir SHD, 2P 29, Dossier 6. Cette carte procurait également des avantages financiers

, Cette tragédie de l'honneur continua d'être jouée pendant toute la durée d'existence de l'armée d'armistice, a fortiori pendant l'été 1940. Car, pour les généraux français, la survie de l'armée française requérait qu'elle garde une attitude fière malgré -et d'autant plus -une défaite cuisante, mais dont elle n'avait pas à rougir. En effet, Weygand tenait à ce que, en dépit de sa petite taille temporaire, elle adoptât « une discipline ferme et une tenue impeccable » 693 , ce qui conduisit les parades et prises d'armes dans les villes de garnisons à se multiplier. Cette pompe avait toujours une double face, l'une montrant aux Allemands que l'institution militaire hexagonale n'était non seulement pas morte

O. Dans-cette, La consigne du haut-commandement était d'adopter une attitude « courtoise mais digne » 694 , invitation à ne pas montrer, si ce n'est avoir, d'animosité, sans pour autant tomber dans la franche camaraderie, insulte à l'histoire et aux récents morts. Ainsi, Weygand proscrivit la poignée de main (du moins d'en prendre l'initiative) ou de rendre les visites de courtoisie effectuées par des responsables militaires de l'Axe, il convenait de régler le comportement à observer dans les rapports que les officiers et la troupe auraient inévitablement à avoir avec leurs homologues d'outreRhin

L. Cependant, En témoigne le souci du détail quant aux marques extérieures de respect. Les sentinelles devaient présenter les armes à tous les officiers, tandis que les postes n'avaient à le faire que pour les généraux. Les isolés, quant à eux, devaient saluer en fonction du grade. De même, si initialement, les officiers n'avaient à saluer que leurs homologues d'un grade supérieur ou équivalent, la consigne changea fin août : salut sans distinction de grade 695

O. Weygand, , p.311

. Shd, Memento à l'usage des officiers de liaisons auprès des Commission de contrôle (non signé), vol.1940

. Shd, Note du général Koeltz pour le général Colson, l'amiral Darlan et le général Pujo, p.2343

/. Dsa, Le général Koeltz, le 30 novembre 1940, écrivait que « chacun [devait] considérer comme une question de correction de saluer le premier ». On remarquera avec gourmandise que cela fait écho à l'attitude du général Panadon dans On a retrouvé la 7 ème compagnie qui, face à la mort d'un officier français prisonnier ayant tenté de s'enfuir, déclare : « Nous avons promis de ne pas nous évader, c'est une question de correction ! » de décembre 1940. Qui plus est, pour cadre à cette véritable comptabilité des honneurs à rendre, les autorités militaires françaises imposèrent un « cérémonial inusuellement, Note du général de la Laurencie (délégué général du gouvernement à Paris), n°40 /KB, 31 août 1940, vol.696, 1940.

, En termes d'encadrement, le nombre d'officiers était fixé aux alentours de 6 000, soit 6% de l'effectif total autorisé. Concernant l'organisation tactique, il était suggéré : 6 batteries de 75 par régiment d'artillerie, toutes motorisées ; deux régiments portés par brigade de cavalerie (avec des automitrailleuses (AM) et des motocyclistes) ; en plus de ces brigades de cavalerie dite légère, 3 autres de cavalerie lourde seraient créées sur le même modèle, mais comportant également un régiment de cuirassiers motorisés, avec des chars ; une réserve générale constituée par une brigade de cavalerie (2 régiments de cavalerie et un d'artillerie, à cheval). C'était donc une armée complètement motorisée (à l'exclusion de trois régiments à cheval) et possédant un armement relativement moderne (AM, chars, mortiers, fusils-mitrailleurs) que Weygand soumit à l

, Au niveau des effectifs, les pires hypothèses françaises furent seules retenues, c'est-à-dire que les 100 000 hommes autorisés devaient comprendre la garde

R. O. Paxton and L. De-vichy, Op. cit, p.116

. Shd, Note sur l'organisation de l'armée de l'armistice du 1 er bureau de l'EMA (non signée, pp.12-1940

. Shd, Note du général von Stülpnagel pour général Huntziger, n°500 /40, 5 août 1940. républicaine mobile (GRM), les services de gardiennage des unités de la Marine et des bases de l'armée de l'Air, ainsi que les unités médicales et vétérinaires. Ce qui donnait en termes de répartition par armes 3 000 marins, 2 900 aviateurs, vol.6, p.100

. De-terre, La motorisation était réduite à sa plus simple expression : un bataillon portée par régiment d'infanterie, une batterie motorisée par régiment d'artillerie, 64 AM au maximum, plus quelques éléments de transmissions et du génie sur camions. Par rapport à l'armement, la demande française de dotations en antichars, artillerie lourde et armes antiaériennes fut également refusée. De plus

, Les plans allemands concernant l'armée d'armistice étaient donc clairs : sa composante terrestre ne devait être qu'une milice, dont seul le statut serait militaire. Ainsi, elle ne pourrait aucunement être une menace pesant sur les arrières de la Wehrmacht

, Si ce point n'était pas assez explicite pour le haut-commandement français

, Face aux prescriptions contenues dans la note n°500 /40 suscitée, Weygand demanda au président de la DFCAA qu'il essayât d'obtenir des atténuations. La réponse de ce dernier est édifiante 699 : Augmentation du taux de munitions par pièce de 75 : sans succès, Motorisation des régiments d'infanterie : acceptée dans des limites extrêmes et sous conditions. Chenillettes dans les régiments d'infanterie : rejetée. Augmentation des moyens de traction dans les batteries motorisées : rejetée

. Le, de la sous-commission Armée) approuva dans l'ensemble la nouvelle proposition d'organisation de l'armée d'armistice 700 . Mais il dut à nouveau ordonner des rectifications, comme par exemple de ne pas admettre la création

, On peut donc coir que les intentions des vainqueurs quant à l'armée d'armistice descendaient jusque dans

. Shd, Note du général Huntziger pour le général Weygand, 1940.

, Note du général Mieth pour la DFCAA, n°1138 /40, 29 août 1940. La deuxième proposition française est celle contenue dans la note du général Huntziger, 1P, vol.63

. Certes, Mais cela impliquait qu'il ne pouvait y avoir de concessions possibles que s'il y avait une menace avérée et imminente. Donc, a contrario, il ne pouvait y avoir de concessions de principe fondées sur des hypothèses. C'est ce qu'avaient tenté de faire les Français au sujet du maintien de l'ordre. En effet, concernant la demande d'autoriser l'utilisation d'armes lourdes et modernes, on peut lire dans la note n°500 /40 susmentionnée : « Dans le cas où des soulèvements prendraient en zone non

, Plus systématiquement, les Français cherchèrent à obtenir des concessions par tous les moyens, faisant ici des distinctions, multipliant là les arguties. Par exemple, la DFCAA s'appuya sur le précédent du traité de Versailles pour réclamer que la GRM ou le corps médical ne fussent pas comptés dans l'effectif des 100 000 hommes. Les différentes tactiques préconisées par Weygand (juridisme, précédent, action au détail) pour obtenir le renforcement de la position de la France sous le régime de l'armistice, valaient a fortiori pour son corps d'appartenance, l'armée. Néanmoins, là aussi les résultats demeurèrent maigres. Car, retors de manière générale sur les demandes françaises de concessions ou d'atténuations, les Allemands étaient d'autant plus portés à l'être sur celles concernant l'armée d'armistice, soit qu'ils tenaient à s'assurer que celle-ci ne serait absolument pas une menace sur ses arrières, soit qu'ils considéraient comme illégitimes des demandes émanant d'une armée ayant été battue à plate couture, donc qu'elle n'avait pas voix au chapitre -ou les deux. Fidèles à leur réputation procédurière, aux arguties françaises les Allemands répondirent par d'autres arguties. C'est ainsi que le général Mieth rejeta l, Le haut-commandement avait donc, selon toute vraisemblance, présenté une situation sociale potentiellement explosive, avec la possibilité de véritables révoltes au sein de la population. Cependant, en indiquant que dans de tels cas les troupes d'occupations interviendraient, les Allemands sapèrent les bases de la requête française et, donc, la refusèrent

, Celui-ci stipule que le matériel militaire français doit être stocké et pourrait être livré au Reich sur décision de celui-ci. Comme il est écrit que ce matériel est celui « des unités de l'armée française engagées contre l'Allemagne », la DFCAA posa que seul était concerné le matériel qui s'était trouvé à la disposition du généralissime, donc à l'exclusion de celui à la disposition du gouvernement français. à proposer, SHD, 1P 56, Note du général Mieth pour la DFCAA, n°767 /40, 23 août 1940. L'interprétation française semblait pourtant correspondre à l'esprit de l'article 5

, À l'instar de ce que nous avons décrit dans le chapitre 8, le rapport de forces largement défavorable à la France s'imposait -et de nouveau a fortiori -aux négociations afférentes à son armée. Par conséquent, le haut-commandement subi lui aussi un diktat

, Le casse-tête des effectifs ? Des mesures en vue d'un effort considérable

, La Wehrmacht n'autorisant que 4 000 d'entre eux à encadrer l'armée d'armistice, il fallait que le hautcommandement procédât à ce que l'on appela un dégagement des cadres. Il était aidé en cela par la défaite qu'il venait de subir, la convention de Rethondes stipulant que les prisonniers de guerre français ne seraient délivrés qu'à la signature de la paix, les 12 000 officiers retenus dans les oflags ne comptaient pas dans l'effectif à diminuer. Il y avait donc un reliquat de 14 000 hommes à résorber, Comme il était hors de question de tous les rayer purement et simplement des rôles de l'armée

, De par son universalité, cette mesure était un excellent point de départ pour atteindre le but. De fait, elle devait affecter près de 3 250 officiers. Efficiente du point de vue numérique, elle était également une manière commode d'écarter certains hommes dont la vigueur ou le moral avait été émoussé par le vieillissement, son caractère universel et son critère indépendant de toute qualité militaire empêchant les hommes concernés de se sentir visés personnellement et/ou en tant que soldat. L'abaissement des limites d'âge fut entériné par la loi du 2 août 1940, qui prévoyait de verser aux officiers touchés une partie de leur solde et une indemnisation jusqu'à ce qu'ils atteignissent l'âge antérieur de leur retraite, Le 25 juillet 1940, Weygand proposa plusieurs pistes au général Colson 706 . La première, la plus facile à mettre en pratique, était d'abaisser les limites d'âge avant le départ à la retraite

R. O. Paxton and L. Vichy, Op. cit, p.57

P. Baudouin, Neuf mois au gouvernement, Éditions de la table ronde, p.262, 1948.

. Shd, Note du général Huntziger pour le général Weygand, vol.9, 1940.

, En ce qui concerne le plan d'organisation de « l'armée d'armistice » présenté par la Délégation française, la Commission d'armistice allemande fait connaître la décision suivante, La note 500 /40 du 5 août 1940 du général von Stülpnagel commence ainsi : «

. Shd, 25 juillet 1940. la récente campagne, soit par rapport à des critères physiques -au-delà de l'âge. Il s'agissait ici de sélectionner une élite pour encadrer l'armée d'armistice. Pour se faire, furent établis d'une part des commissions de classements, d'autre part une « Commission sur les repliements suspects » (lors des opérations de mai-juin 1940) placée sous la présidence du général Doumenc. Le général Colson donna trois critères de notations : l'esprit militaire

, La première trace que nous avons trouvée de sa mention figure dans une note du colonel Lacaille (chef d'état-major d'Huntziger) datée du 21 juillet 1940 708 . Sans plus de précisions, tout ce que nous pouvons dire est que Weygand n'est pas le père de cette proposition. Cependant, il la reprit le 10 août, pour deux raisons complémentaires : elle permettait de donner au dégagement des cadres l'ampleur nécessaire -les mesures vues plus haut n'y suffisant pas, sans réduire l'effectif des officiers de façon définitive -donc prématurée (on retrouve ici la position d'attente (au double sens du terme) vis-à-vis de la paix) 709 . En effet, d'une part, si Weygand préférait que la mise en congé d'armistice se fasse sur la base du volontariat, il se réserva rapidement la possibilité d'un placement d'office. Le haut-commandement disposait donc là un puissant instrument de déflation. D'autre part, ce congé n'était qu'une mesure conservatoire en vue du traité de paix, les hommes concernés pouvant potentiellement être réactivés lors de la signature de ce dernier

, le haut-commandement proposa des mesures d'ordre plus spécifique, que l'on peut regrouper en deux catégories. Tout d'abord celles qui consistaient à civiliser une partie de l'armée. Dans sa note suscitée du 25 juillet au général Colson, Weygand demandait également au secrétaire d'État à la Guerre d'explorer la piste d'une, ? Trouver des artifices À côté des dispositions à portée générale

. Shd, Instruction du général Colson aux généraux commandant les régions militaires, n°1515 1/EMA, 1 er août 1940, Cité in Claude d'Abzac-Epezy, « Épuration, dégagements, exclusions. Les réductions d'effectifs dans l'armée française (1940-1947) », Vingtième Siècle, revue d'histoire, vol.59, pp.62-75, 1998.

. Shd, Note du colonel Lacaille pour le général Koeltz, n°863 /FT, 21 juillet, 1940.

. Shd,

. De-la-justice-militaire, En effet, il demanda à Ybarnégaray et à Marquet si leurs administrations seraient disposées à accueillir en leur sein des officiers. À la différence cependant de la civilisation concernant des services en leur totalité, les hommes affectés à ces départements ministériels dépendraient exclusivement de ceux-ci et ne seraient plus soumis aux règles de la vie militaire. Les réponses du ministre de l'Intérieur et du ministre de la Jeunesse et de la Famille furent positives, mais assez mitigées en termes numériques. Par exemple, si le second proposait de faire appel à de jeunes officiers pour encadrer les organisations sportives -soit la perspective de nombreux postes à pourvoir, il n'offrait immédiatement que dix places dans le cadre d'un futur d'un service militaire de l'éducation physique et des sports 710 . D'une, Cette idée avait déjà été mise en oeuvre dès le lendemain de l'armistice, puisque le Service géographique de l'armée s'était mu par un décret du 26 juin 1940 en Institut géographique national

A. , dans les deux cas le passage par Ybarnégaray pour réduire l'effectif des officiers restait hypothétique, car suspendu à la réalisation de projets dont on ne pouvait dire s'ils allaient aboutir. Lorsque Weygand dut quitter le gouvernement, la question des modalités d'intégration des officiers dans d'autres ministères n'était réglée que pour celui de l'Intérieur 711

, La deuxième voie parallèle regroupe les mesures clandestines. Officiellement, devant les commissions de contrôle mises en place par l'Allemagne et l'Italie, les soldats touchés par

. Shd, Lettre du ministre de la Jeunesse et de la Famille au général Weygand, 1 er août 1940, p.1

, Note du général Weygand pour legénéral Colson, l'amiral Darlan et le général Pujo, n°742 /DN, 3 août 1940. Le ministère de l'Intérieur accordait une cinquantaine de place

. Shd, Compte-rendu de la réunion du 2 septembre 1940 entre les délégués du ministère de la Défense nationale et le directeur de la Sûreté générale (ni signé, ni daté)

. Ibid, Note du général Weygand pour le général Colson, l'amiral Darlan et le général Pujo, n°1657 /DN, 5 septembre, 1940.

, Bureau (contre-espionnage) : les officiers seraient rayés des cadres, mais maintenus en

?. , Europe (militaire) d'Hitler La convention franco-allemande limitait à deux missions le rôle des forces militaires laissées à la disposition du gouvernement français. La première, que l'on trouve à l'article 8, portait sur la défense de l'Empire colonial, et encore, selon le texte seule la Marine était ici concernée. La seconde était le « maintien de l'ordre intérieur

, Non content de reléguer l'armée française à une milice chargée de maintenir l'ordre, les Allemands mirent même des limites à la compétence de celle-là pour cette mission. Dans sa note 500 /40 du 5 août 1940, le général von Stüplnagel déclara qu'en cas de troubles à l'ordre public particulièrement graves et importants, les troupes d'occupation ne manqueraient pas d'agir. Cet argument permettait, nous l'avons vu, de rejeter les demandes françaises d'équipements lourds. Mais, symétriquement, cela voulait dire que les problèmes qui nécessitaient l'intervention de forces militaires n'étaient pas de la compétence première de l'armée d'armistice. Elle ne serait dans ces cas-là qu'un élément d'appoint. C'était donc également une façon de signifier que cette armée de transition n'était qu'une force de police à statut militaire et ayant les attributs de ce dernier, en aucun cas une armée avec tous les prérogatives que ce terme implique. Par conséquent, et de la même manière que pour tout le reste, Dans les deux cas, l'armée d'armistice n'aurait qu'un rôle défensif, sa composante terrestre étant elle-même réduite à une force de police dans l'esprit des vainqueurs

. Ibid, Lettre du général Weygand au ministre des Finances, n°740 /DN, 3 août 1940. paraissant secondaires, comme l'utilisation de lance-grenades dans la Garde républicaine mobile (GRM), p.714

, Le statut de ce dernier corps fut d'ailleurs l'objet d'une attention particulière, notamment pour savoir s'il serait inclus dans le total des 100 000 autorisés. Les Français, s'ils se rendaient bien compte que l'armée d'armistice et la GRM avaient la même missionmaintenir l'ordre, tentèrent de faire admettre celle-ci en supplément de celle-là en se fondant à la fois sur la spécialisation de la Garde républicaine mobile et

, Versailles, qui avait laissé une force de police de 150 000 hommes en sus de la Reichswehr

, Il s'agissait de montrer que la GRM était « une force de police, avant d'être une force militaire, vol.715

. Laissant-À-la-france-une-armée, En effet, par ce qui apparaissait comme une miraculeuse concession aux généraux de l'Hexagone, le dictateur brun fit un coup à trois bandes. Tout d'abord, c'était autant de troupes d'occupation en moins à stationner un peu partout en zone libre. Ensuite, l'existence d'une armée tricolore, même sous forme de reliquat, enlevait aux militaires français un motif de passage à la dissidence. Enfin, les arrières de la Wehrmacht n, tout en la façonnant conforme aux seuls besoins du maintien de l'ordre

, ? Une mission acceptée du côté français

C. Weygand, armistice avait été en partie motivée par des considérations de maintien de l'ordre. Plus généralement, les généraux français avaient peur qu'une révolution éclate à la faveur d'une défaite militaire. Cette préoccupation sécuritaire ne s'éteignit pas à l'arrêt des combats : avec la désorganisation des pouvoirs publics et les déplacements massifs de population

. Cependant, était pas simplement une inquiétude qui pourrait apparaître comme normale (avec tout ce que ce mot comporte d'imprécisions et d'arbitraire) puisque faisant suite à une défaite. À l'exode et aux problèmes de ravitaillement s

, Note du général Mieth pour la DFCAA, n°1138 /40, 29 août, 1P, vol.63, 1940.

. Ibid, Note du général Huntziger pour le général Weygand, n°298 /FT, 8 juillet, 1940.

. Shd, Note du général von Stülpnagel pour le général Huntziger, n°500 /40, 5 août, 1940.

. Shd, Note du général Weygand pour le général Colson, 5 septembre, 1940.

. Shd, Instruction du général Colson, n°209 1/EMA, 29 juin 1940 et Note du général Colson pour les généraux commandant les régions militaires

, L'historiographie a clairement établi que l'une des raisons de la défaite française en 1940

, réside dans la doctrine déterminée par le haut-commandement dans les années, 1930.

. Cependant, Nombreux sont les rapports sur la campagne de 1940 qui insistent avant tout sur l'absence de matériel adéquat (notamment en antichars) et ne remettent en cause que quelques points (la centralisation excessive de l'artillerie). Bien souvent, leurs conclusions sont que les règlements n'étaient pas mauvais, mais n'avaient pas pu être appliqués correctement. Si tout n'était pas à biffer dans ceux-là, si l'armée française avait bien été sous-équipée en certaines catégories d'armes, la logique à l'oeuvre ici ressort pourtant essentiellement de la tentative d'autojustification. Car dans la plupart des cas pour les hauts-gradés, le renouvellement de la tactique impliquait le reniement de sa propre expérience, comme l'indique Paxton 722 , mais aussi de sa propre science

, À l'inverse, Weygand n'ayant pas exercé d'emploi militaire avant son rappel par

, Vice-président du Conseil supérieur de la guerre, il avait figuré parmi les minoritaires face au « magistère bleu horizon » qui finit définitivement par s'imposer une fois que Gamelin lui succéda. De surcroit, placé de nouveau à la tête des armées françaises, il avait diffusé des consignes tactiques efficaces. Par conséquent, il était plus disposé que ses subordonnés à refonder la doctrine. Prenons l'exemple de sa note n°308 /DN du 12 juillet 1940 sur l'arme blindée 723 . Le général Georges lui avait transmis le 9 juillet 1940 trois documents relatifs à son emploi lors des précédentes opérations : un rapport du général Keller, l'avis du général Duffieux sur celui-ci et sa propre lettre concernant ces deux documents. Georges avait tenté de démontrer dans cette dernière que les critiques faites par Keller et Duffieux contre l'IGU de 1936 et ses suites étaient largement injustifiées, en se lançant dans une analyse pointilleuse des textes. Or, Weygand, qui ne pouvait ignorer que Georges avait présidé à l'écriture de l'IGU de 1936, ne fut pas dupe de l'esquive. S'il indiquait explicitement que les rapports de Keller et Duffieux étaient des « plaidoyers » pro domo, Daladier en 1939, il avait bien moins de responsabilité dans la fixation de la doctrine avant l'entrée en guerre que ses subordonnés de l'été 1940

R. O. Paxton and L. Vichy, Op. cit, pp.73-74

. Shd, Note du général Weygand pour le général Georges, n°308 /DN, 12 juillet 1940. réalisées d'urgence des études concernant tant l'organisation que l'emploi des chars

, qu'un réquisitoire contre la façon dont la doctrine avait été élaborée dans l'entre-deux guerres : Les solutions à adopter ne doivent tenir compte que de l'emploi de l'« Arme blindée » à déterminer pour l'avenir. Il faut s'appuyer sur les enseignements de la campagne qui vient de s'achever

, conjugué à l'exigence que le haut-commandement ne se prépare pas à rejouer la guerre de 39-40 (c'est tout le sens du « Mais »), ne peuvent que nous inciter à penser que pour Weygand le haut-commandement précédent avait voulu appliquer les recettes de la Première guerre mondiale à sa suivante. La note se poursuivait ainsi : Pour mener à bien une telle étude, il faut faire appel à des officiers jeunes, des chars et de la Cavalerie, ayant commandé des unités blindées sur le champ de bataille, assez vigoureux de pensée et indépendant de tout « esprit bouton

, La précision selon laquelle pour étudier l'arme blindée il fallait des officiers y appartenant passerait pour un truisme si l'on ne se rappelle pas que la doctrine d'emploi de l'ensemble, puis d'une partie seulement des chars, avait été déterminée par des fantassins (Pétain, Debeney, Duffieux, Garchery). L'expression « esprit bouton », quant à elle, vise certes les corporatismes d'armes en particulier, mais aussi l'existence de chapelle au sein de l'armée de façon plus générale

, pas resté atone face aux causes de la défaite qui incombaient à la tactique militaire française, de même que d'autres généraux l'ont appuyé dans sa démarche 724 . Cependant, elle est le seul document que nous ayons trouvé où il demande à ce que soient engagées des études pour refonder la doctrine. Il semble par conséquent que cette refonte ni ne figurait parmi ses priorités, ni ne fut véritablement lancée par lui. Même si cela avait été le cas

. Par and . Olry,

, ou (de façon plus étonnante vu le conservatisme qui l'avait caractérisé durant l'entre-deux guerres) le général Colson (cf. SHD, 1P 10, Note sur les études techniques dans l'Armée du général Colson, vol.17, 1940.

, été 1942 qu'un nouveau règlement tactique fut rédigé, mais qui n'était rien de plus qu'une simple « notice » 725 . Dans l'intervalle, le haut-commandement se contenta de distribuer aux officiers d'état-major l

, On ne serait faire grief à Weygand de ne pas avoir fait aboutir une réforme en profondeur de la doctrine, car il n'est resté que trois mois ministre de la Défense nationale

, Du moins c'est ce que l'on attendrait de trouver chez un général qui dit n'avoir eu qu'une seule idée en tête : la rentrée en guerre de la France. Car, dans le cas d'un débarquement des Alliés en France, il aurait fallu que l'armée d'armistice aide ceux-ci dans leur tâche et donc combatte initialement avec ses seuls moyens en attendant de recevoir de nouveaux matériels de leur part. Or, nous n'avons relevé aucun document qui ressemblerait de près ou de loin à une instruction en vue de préparer tactiquement l'armée d'armistice à soutenir ce rôle, D'autant que les faiblesses de l'armée d'armistice imposaient de d'abord penser l'emploi de celle-ci, donc de produire dans un premier temps une tactique aux caractéristiques très particulières

. Weygand, mais visiblement elle n'était destinée qu'à l'armée qui aurait été issue du traité de paix

, Pour avoir une armée de valeur, il fallait qu'elle fût constituée de soldats ayant la même qualité. Ce qui impliquait de prendre des mesures dans deux directions. La première appelait une épuration des cadres qui s'étaient montrés inaptes au cours des mois de mai et juin, ? Les hommes, 1940.

, Cette épuration était certes destinée à prouver que l'armée faisait son autocritique et contribuait au dégagement des cadres, mais surtout elle servait à resserrer l'institution militaire autour d'un noyau dur d'officiers compétents. La deuxième était d'attirer au sein de l'armée l'élite de la jeunesse française. Le haut-commandement prônait dans ce sens qu'une intense campagne de propagande fût mise en oeuvre « pour créer un courant d'engagements » 727 , en mettant en avant les avantages matériels de la condition d, C'est ce que réclama Weygand dès le 26 juin 726

. Shd, Note pour le commandant en chef des forces militaires, pp.4-1940

, Note du général Weygand pour le général Georges, n°94 /DN, 26 juin, 3P, vol.118, 1940.

. Shd, Note sur les engagements du général Colson pour l'état-major de l'Armée, n°1098 /SP, 21 août, 1940.

, première vue, de telles mesures allaient dans le sens de la création d'une « armée des chefs

, La réalité n'a pas été celle-ci. Concernant l'épuration, elle fut une politique aux ressorts aussi bien politiques que fondée sur des critères militaires objectifs

O. Robert and C. D. Paxton, Abzac-Epezy 728 . Les officiers qui firent partie de l'armée d'armistice ont bien souvent gagné se droit autant grâce à leurs compétences qu'à leur proximité idéologique avec leurs supérieurs

, Plus importante est le problème de l'instruction. En effet, le tout n'était pas de vouloir attirer des personnes aux têtes pleines et bien faites, encore fallait-il les former correctement. Or, nous n'avons trouvé aucune consigne de Weygand soulignant la nécessité d'une instruction tactique d'autant plus poussée que l'armée était numériquement et matériellement faible. Quand le hautcommandement parlait de renforcer la valeur de l'armée, cela ne concernait vraisemblablement que l'aspect moral de celle-ci, comme s'il avait été plus soucieux de faire des officiers de bons Français que de bons soldats, Reichswehr, cette variable avait également joué dans le choix du haut-commandement allemand des 100 000 hommes admis à en faire partie

, Les mesures clandestines Par rapport à sa ligne neutraliste qui impliquait le strict respect de l'armistice, Weygand fit une exception pour l'armée. En effet, durant l'été 1940

R. O. Paxton, L. Vichy, and O. , Claude d'Abzac-Epezy, « Épuration, dégagements, exclusions. Les réductions d'effectifs dans l'armée française (1940-1947) », Vingtième Siècle, revue d'histoire, vol.59, pp.62-75, 1998.

P. Masson, Nous avons tout de même déniché une note de Colson pour Weygand où le secrétaire d'État à la Guerre expose les principes qui l'ont guidé dans son projet de stationnement de l'armée d'armistice. Parmi ces principes figurent : avoir un groupe d'artillerie accolé à la zone de stationnement de chaque régiment d'infanterie « afin de favoriser l'instruction en commun » ; « préparer l'instruction de groupements motorisés, en rapprochant le groupe de reconnaissance [automitrailleuses], la batterie tractée et le bataillon porté de chaque division, Histoire de l'armée française, vol.26, p.276, 1999.

?. La, il n'existe pas de sources de première main sur les instructions ou ordres clandestins concernant le camouflage de matériel militaire pris par Weygand en tant que ministre de la Défense nationale. Cependant, des témoignages concordants permettent d'établir qu'il a bien agi en ce sens

, il semble que le commandant en chef français ait donné l'ordre à tous les commandants d'unité de cacher le maximum d'armes, sans plus de précision quant aux matériels à camoufler en priorité 730 . Par la suite, le commandant Émile Mollard fut désigné pour coordonner le recensement et le stockage des armes dissimulées au sein du service de « Conservation du matériel » (CDM) -qui officieusement signifiait « Camouflage du matériel », sans que l'on sache si Weygand a contribué ne serait-ce qu'indirectement à la création de cette administration, Néanmoins

C. De-manière and . Ici, Weygand a donné des instructions secrètes pour que fussent cachées des armes dans des grottes ou des carrières, notamment les canons de 25 antiaériens et ceux de 47 antichars 731

. Tout and . Fait, A-t-il plus couvert qu'incité ? Plus incité qu'ordonné ? Un peu des trois ? Il y a bien eu des mesures, des actions de camouflage du matériel, la preuve en étant qu'à l'invasion de la zone libre en novembre 1942 les Allemandes découvrirent d'importantes caches d'armes. Pour autant, durant l'été 1940 ce mouvement n'en était qu'à ses prémices et il ne fut pris véritablement en main par une partie du haut commandement seulement quelques jours avant le renvoi de Weygand du gouvernement 732 . Peut-être que s'il était resté à son poste de ministre aurait-il pris une part plus active au camouflage du matériel, en l'organisant lui-même et en le systématisant via des instructions secrètes en bonne et due forme, cela représente un ensemble de mesures peu étoffé, très mal documenté et surtout où l'on ne sait pas vraiment quelle place Weygand y a tenu

, Rapport sur la résistance dans l'armée (non daté, non signé), 13P, vol.18, issue.2, p.322, 1950.

. Shd and . Le-figaro, Dossier 1, chemise 5, « Article d'Étienne Antherien, 1946.

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L. Bernard-de-boisfleury and . 'armée-en-résistance, , p.72, 1940.

M. Benoist and . De-juin-À-septembre, Weygand, Témoignages et documents inédits, Montsûrs, Résiac, p.239, 1940.

R. O. Paxton and L. Vichy, que l'action de Weygand en faveur de la dissimulation du matériel militaire apparaît comme plutôt frileuse et assez erratique, Op. cit, p.309

, ? Les hommes et les services

, Il faut ici distinguer deux catégories de mesures. La première regroupe celles qui n'avaient aucun caractère clandestin, ni de par les moyens de mise en oeuvre, ni part le but visé. C'était par exemple le cas du débauchage d'officiers pour servir d'autres ministères

M. On-se-souvient-qu'ybarnégaray, . De-la-famille, and J. De-la, Le régime des conventions d'armistice ne permettait pas de maintenir officiellement une activité militaire de renseignement classique, l'armée laissée à la France ne devant s'occuper que de maintien de l'ordre. Pour les services spéciaux militaires, c'est-à-dire le 5e bureau, Weygand imagina d'abord de les dissoudre officiellement tout en mettant le personnel en activité en surnombre, les soldes étant payées sur les fonds secrets 735 . Ce ne fut cependant que le 8 septembre 1940 que le service de contreespionnage pris sa forme définitive, avec une branche clandestine camouflée sous le nom d, Weygand indiquait qu'il s'agissait de « recruter des cadres permanents destinés à coordonner, et à diriger, dans un nouvel esprit, l'effort des [organisations sportives à tous les échelons] » 733

. Shd, Lettre du général Weygand au général Colson, au général Pujo et à l'amiral Darlan, n°742 /DN, 3 août 1940. C'est nous qui soulignons

, On peut retrouver l'échange de lettres entre Weygand et Marquet dans SHD

1. Shd and N. Du-général-weygand-pour-le-ministre-des-finances, 3 août 1940. ces deux branches avaient déjà été créées lorsqu'il était en poste, au mois de juillet et d'août 1940 respectivement, la deuxième du reste par une loi du 25 août dont il était l'un des signataires. Qui plus est, s'il n'a pas été à l'origine de ces organismes, il a pleinement participé à leur création et à leur mise en place, notamment en ouvrant des crédits pour eux ou en intervenant pour les installer 736

, Si l'affaire traîna en longueur -ce ne fut que le 15 décembre 1940 qu'une loi créa ce service, Weygand avait validé le principe d'une instruction interministérielle secrète en vue d'incorporer au sein du futur service de la démographie du personnel provenant du service de recrutement 738 . Savait-il que les intentions du contrôleur général Carmille, cheville ouvrière de ce projet, étaient de faire de ce service un moyen clandestin de mobilisation ? Weygand a indiqué dans ses Mémoires que René Carmille, il a également couvert de son autorité des initiatives violant la convention d'armistice, au premier rang desquelles la création d'un Service de la démographie

G. Général, écrivait que le service de la démographie serait « éventuellement une arme dangereuse » 740 du fait des informations qu'il détiendrait. Ces indices nous donnent à penser que Weygand connaissait, même encourageait la part clandestine que revêtirait le service de la démographie, mais sans que nous puissions aller jusqu'à affirmer qu'il était au courant

P. Paillole, Services spéciaux, Cité in Bernard Destremau, pp.163-165, 1939.

. Shd, Note du général Weygand relative à l'organisation de l'état-major de l'Armée, n°4751 /DSA, 2 septembre 1940. Nous n'avons pas pu déterminer si Weygand était à l'origine par cette note de la création de la firme Technica, faux-nez des sections Allemagne

. Shd, Note du général Weygand pour le général Colson, n°1588 /DN, 2 septembre, 1940.

O. Weygand, , p.323

. Shd,

L. Weygand-quitte-le-ministère-de-la-défense-nationale, Mais dans quelles intentions ? Car, notamment en ce qui concerne les instructions secrètes, pourquoi vouloir une armée forte même pendant le régime de l'armistice alors que le haut-commandement attendait la paix ? Serait-ce parce que ce dernier jouait double jeu et préparait clandestinement la rentrée de la France dans la guerre ? De fait, Weygand a toujours considéré l'Allemagne comme un pays ennemi. Par conséquent, durant l'été 1940 il favorisa la diffusion d'une telle image au sein de l'armée d'armistice. Il veilla à ce que les noms de certains régiments illustres, notamment ceux symbolisant les conflits passés avec le Reich, fussent repris par les unités subsistantes. Il demanda à ce que, dans les rapports entre officiers des deux pays, la courtoisie reste seconde par rapport à la distance à observer, comme nous l'avons vu plus haut. Surtout, d'après le colonel René de Marguerittes, le 28 juin 1940, il aurait déclaré devant les officiers du 74 nouveau l'armée française dans la guerre, qui plus à est à court terme. C'était une condition nécessaire, car elle désignait un ennemi, mais pas suffisante. Il aurait fallu en plus de cette éducation à la revanche que le haut-commandement concentrât toutes ses forces à la fois sur une profonde réforme tactique -niveau structurel -et sur une préparation clandestine systématique, la France a retrouvé une force militaire appréciable, notamment dans ses colonies 744 . Cet état de fait est à mettre en bonne partie au crédit de sa politique, d'une part d'opposition aux Allemands, d'autre part de ponctuelles mesures clandestines -malgré les nombreuses limites que nous avons posées à celles-là

, Weygand, a fortiori ses réalisations, sont restées bien maigres. Certes, l'armée devait être l'élément de premier plan de la restauration de la grandeur de la France dans son esprit, mais bien plus en soutenant et permettant la mise en oeuvre de la révolution

P. Masson and . Op, , p.285

, Op. cit, p.599

O. Weygand, , p.322

R. O. Paxton and L. Vichy, Op. cit, pp.82-83

, et par extension toutes les mesures qu'il a prises pour soutenir cette politique ? Lorsqu'il avance que Weygand proposa un premier plan de composition de l'armée d'armistice trop ambitieux « par inclination professionnelle » 748 , nous donne ce que nous l'armée française de cette époque, qui bénéficiait encore d'une place importante en France. Ses chefs avaient commandé à des millions d'hommes, Comment expliquer alors la volonté d'avoir une armée française aussi forte que possible

, Ce qui impliquait, à côté d'une politique officielle de strict respect de l'armistice donc d'opposition aux Allemands lorsqu'ils tentaient d'en déborder les clauses, d'essayer de camoufler les mesures jugées utiles à la survie d'une armée mais violant la convention de Rethondes. Par exemple, on ne saurait concevoir une armée sans services de renseignements sur ses homologues étrangères ou de contre-espionnage. Concernant l'entretien d'un esprit de revanche, il entrait dans la nécessité de voir les officiers être animés « d'un ardent patriotisme et de l, Vu sous cet angle, il était on ne peut plus naturel qu'ils cherchèrent à préserver au maximum leur institution, vol.749

, Ces trois niveaux -officiel, clandestin, moral -étaient destinés à résister à la volonté des vainqueurs de ravaler l

L. , assurer le principe sauvegarde physique de l'armée, il restait alors à garantir celui-ci et à en tirer parti autant que faire se pourrait. En somme, ce fut un réflexe de survie qui a habité Weygand -avec l'ensemble des responsables militaires français, 1940.

, Cette sorte d'atavisme professionnelle était renforcée chez quelqu'un comme Weygand par une conception particulière de l'armée, partagée par nombre de ses subordonnés, qui en faisait la meilleure composante au service de la nation 750 . Si bien qu'il en vint à considérer que sans l'armée, le pays s'écroulerait sans possibilité de se relever

, il était facile de poser qu'elle n'était pas seulement un moyen, mais également une fin en soi, à l'instar du raisonnement qui pousse certains tenants de la raison d'État à faire de celui-ci un bien à préserver à n'importe quel prix

O. Weygand, Nous soulignons, p.311

R. O. Paxton, L. Vichy, and O. , Voir également SHD, 3P 118, Dossier 3, où figurent de nombreux rapports de généraux (Réquin, Besson, Olry, etc.) tenant ce genre de propos. En définitive, peut-être que Weygand entendait que la France un jour prenne sa revanche sur l'Allemagne, p.37

, Mais cela ne devait arriver qu'après que la paix fût revenue en Europe, pour que l'Hexagone puisse avoir le temps de fourbir ses armes. D'ailleurs, il parlait bien de n'entreprendre l'organisation définitive de « l

, Ce n'est pas non plus la Reichswehr, car la refonte de l'armée française à l'été 1940 s'est essentiellement focalisée sur les forces morales. Ce qui correspond le mieux comme analogie est sans doute la IIIème République jusqu'au déclenchement de la Grande guerre. La Revanche flottait alors dans les airs, on ne l'oubliait pas, mais l'armée n'en faisait pas un principe, seulement une perspective (certes primordiale). Elle était le but en cas de guerre contre l'Allemagne, Le modèle ici n'est pas la Prusse d'après Iéna, puisque l'état de guerre avait été chronique entre les puissances européennes et Napoléon

, une politique de préparation de reprise de la lutte à bref délai. Ce biais temporel d'interprétation est double, à la fois historique et personnel. Tout d'abord, Weygand a analysé des faits qui lui étaient imputables à l'aune de l'issue du conflit mondial -la victoire sur l'Allemagne, en tentant de montrer qu'il y a contribué, du moins qu'il en a eu l'intention. Ensuite, il a interprété certaines des mesures qu'il a prises à l'été 1940 par rapport à d'autres plus tardives, mais celles-ci plus directement destinées à lutter contre les Allemands -son action en Afrique du nord à partir de septembre 1940 par exemple, ou en fonction de son tempérament foncièrement germanophobe. Par ce besoin de mise en cohérence de ses actions personnelles dans le temps et avec le dénouement de l'Histoire, Weygand et ses défenseurs en sont venus à occulter la question des intentions qui se cachent derrière le comportement des acteurs. Or, la politique de survie mise en place par le ministre de la Défense nationale, ? Un biais classique C'est sous l'effet d'une illusion rétrospective que Weygand vit dans ses consignes pour cacher les canons antichars de 47 mm et les canons antiaériens de 25 mm, dans ses demandes de concessions ou ses protestations auprès de la commission de Wiesbaden, et dans toutes les autres mesures clandestines ou officielles

. Shd, . Note, . Weygand, and . Colson, n°933 /DN, 10 août 1940. pas dire qu'elle était tournée vers l'organisation de la reprise des combats. Ce n'est que la linéarité des récits et des commentaires d'après-guerre qui permettent de construire l'image d'un Weygand résistant de la première heure. Mais cette construction doit être rejetée

, Sur le plan extérieur, celui qui nous a particulièrement intéressés, il a adopté un neutralisme tout aussi actif. Ce dernier qualificatif est nécessaire pour restituer l'intégrisme, si l'on peut dire, de sa position, au sens où il ne s'est pas contenté d'intentions, mais entendit défendre la neutralité française dans tous les sens du terme. Il se démarque ici de personnages comme Paul Baudouin ou le maréchal Pétain, dont le neutralisme durant la première saison estivale de Vichy souffrit d'entorses. Weygand a été persuadé que la paix surviendrait bientôt. Cette considération liminaire empêche certainement déjà toute possibilité qu'il ait pu mener une action de préparation à la rentrée de la France contre l'Allemagne dans cette guerre, Sur le plan intérieur, il a encouragé, suscité et porté la volonté de l'armée d'être au premier rang des maîtres d'oeuvre du redressement de la nation, 1940.

, D'un côté il s'agissait de refuser d'en être un allié objectif, en empêchant que les vainqueurs débordassent les conventions d'armistice. De l'autre, elle impliquait a fortiori que la France ne fût pas un allié subjectif de l'Allemagne

, sans d'ailleurs que cela ne signifie qu'elle fut équivalente à une attitude pro-Alliés. Qui plus est, si Weygand n'a pas été attentiste, il aurait pu quand même favoriser l'Angleterre, comme le firent certains pays neutres. Cependant, il a même refusé cette concession, car pour lui une seule voie pouvait assurer la survie de la France : empêcher qu'elle soit touchée par la guerre. Ce qui revenait donc à empêcher autant que faire se pouvait qu'elle servît les intérêts d'un des deux camps

, La politique militaire de Weygand a donc été d'assurer la pérennité de l'institution et de préparer l'armée française à reprendre sa place. Ce qui pouvait comprendre une revanche sur l'Allemagne. Mais celle-ci n'aurait eu à intervenir que bien plus tard, et surtout n'était pas posée comme un principe, au sens où elle serait advenue au gré de la conjoncture future et non d'une volonté d'en découdre à nouveau, à tout prix. Par conséquent, il n'y a pas eu chez Weygand de double jeu, avec d'un côté une politique générale officielle neutraliste et de l'autre une politique à l'égard de l'armée clandestine et attentiste. Non, les deux types d'actions, officielles et secrètes, ressortaient d'une politique de résistance aux Allemands, car elle trouvait son ressort dans un réflexe de survie du haut-commandement français, et non dans une intention de préparer la reprise de la lutte à brève échéance

, pendant sa carrière ministérielle à une « volonté de ne pas subir » -ce qui s'applique du reste à son action sur le plan intérieur à la France. Mais ne pas subir signifia chez lui être neutraliste intégral et non pas attentiste. D'après la politique qu

, France n'aurait pas été au balcon de l'Europe en guerre, mais aurait eu à maintenir ses volets

, Nous recensons ici l'ensemble des documents contenant des consignes tactiquessurtout afférentes à la défense antichar et antiaérienne -ou répartissant les responsabilités, produits par les plus hautes autorités militaires françaises de l'invasion de la Pologne par l'Allemagne à la prise de fonction de Weygand

. Shd, Note du général Gamelin pour le général Georges et le général Bineau sur les obstacles antichars [sic], n°26 Cab/FT, 9 septembre 1939

, Note du général Gamelin pour le général Georges et le général Bineau sur la sûreté contre aviation, n°49 Cab/FT, 14 septembre, 1939.

, Note du général Gamelin pour le général Georges sur l'articulation des forces et la conduite de la bataille, n°63 Cab/FT, 21 septembre, 1939.

, Note du général Gamelin pour le général Georges sur la conduite à tenir, n°51 Cab/FT, 14 octobre, 1939.

, Note pour les armées du général Georges (à partir d'un texte du général Gamelin), p.484

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, Note du général Gamelin sur les enseignements à tirer des attaques allemandes, n°95 cab/FT, pp.23-1939

, « Réflexions » du général Gamelin pour le général Georges, n°332 Cab/FT, pp.27-1939

, Note du général Gamelin sur les attributions du général commandant en chef les forces terrestres, 1940.

, Note du général Gamelin pour le général Georges sur les conditions d'une offensive débouchant des fronts Anvers-Namur, n°554 Cab/FT, 5 mars, 1940.

, Ordre du général Gamelin

, Confirmation de message téléphoné du général Gamelin au général Champon, p.971

/. Cab and . Ft, , vol.11

, Ordre général du général Gamelin, 1940.

. Shd,

. Shd, Note du général Georges pour les généraux commandant les groupes d'armées, les armées et les régions militaires de la zone des armées, p.268

/. Ft, , pp.27-1939

, Note du général Bineau pour les généraux commandant les groupes d'armées, les armées et les régions militaires de la zone des armées

, n°1363 /I.Chars.S, 1 er décembre 1939. 27N 105 : Note du général Keller sur l'emploi des chars dans la riposte contre les attaques massives d'engins blindés, n°332 I.Chars.S, 13 octobre 1939, Note du général Réquin (commandant de la IV e armée) pour le général Prételat, vol.111

, Note pour les armées du général Georges concernant l'emploi des batteries divisionnaires anti-chars, Note pour les armées du général Prételat, n°7936 /S, 18 mai 1940, vol.113

, L'ennemi qui occupe notre sol cherche à s'y faire une clientèle. Demain il sera trop tard

C. Qu, une équipe composée d'un petit nombre d'hommes nouveaux sans taches ni attaches, animés par la seule volonté de servir, doit, sous la direction du Maréchal Pétain

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