, Un apprentissage data-driven

, Dans cette section, nous allons considérer la notion d'un apprentissage data-driven, c'est-à-dire un apprentissage qui est orienté et structuré par les données disponibles à l'enfant sous la forme de données linguistiques primaires. Cette notion permet d'attaquer un point spécifique de la doctrine générativiste, qui insiste, comme nous l'avons vu

C. Le-note-tomasello, une des thèses fortes des générativistes concernant l'apprentissage consiste à affirmer que celui-ci « dépend seulement indirectement du langage que l'enfant entend (l'input ne sert qu'à « déclencher » des structures syntaxiques ou ajuster des paramètres) » (« The item-based nature of children's early syntactic development, p.176

L. , Nous aurons l'occasion d'expliquer en quoi la thèse de la « Verb Island Hypothesis », que nous avons vu précédemment, est tributaire d'une conception data-driven de l'apprentissage. Nous procéderons en trois parties, d'abord nous utiliserons un article d'Akhtar « Acquiring basic word order : Evidence for data-driven learning of syntactic structure » (1999) qui attaque le paradigme des principes et paramètres de la linguistique générative en l'opposant à une conception data-driven de l'apprentissage. Ensuite, nous verrons s'il est possible, puisque l'apprentissage de l'enfant semble être prioritairement basé sur les données qu'il reçoit, de favoriser l'apprentissage de certaines structures syntaxiques par l'exposition à ces formes, et nous utiliserons un article de Nelson « Facilitating children's syntax acquisition, en quelques sortes à redonner la primauté à l'input que reçoit l'enfant, primauté qui avait été attaquée par les générativistes, 1977.

, Akhtar expose rapidement deux conceptions radicalement différentes de l'apprentissage linguistique : d'un côté la thèse d'un apprentissage data-driven, qui défend l'idée que l'acquisition de la grammaire par l'enfant est un long processus durant lequel l'enfant induit des schémas généraux depuis des exemples spécifiques, et la thèse générativiste de l'input-trigger (-Verbe-Objet, l'enfant « réglera » son paramètre concernant l'ordre des mots sur « SVO » et non « SOV » (Sujet-Objet-Verbe) ou « VSO » (Verbe-Sujet-Objet) 117 . Toujours dans une version forte de la thèse des principes et des paramètres, Akhtar note que : Une version forte de la conception par ajustement de paramètres prédit que l'enfant établit l'ordre basique des mots de sa langue assez tôt, et que sa grammaire sera probablement inaffectée par les ordres des mots suivants qu'il rencontrera. Plus précisément, nous allons donc utiliser un article d'Akhtar « Acquiring basic word order : Evidence for data-driven learning of syntactic structure, 1999.

, prétend la thèse de l'ajustement d'un paramètre) et alors l'enfant la généralise à l'ensemble des phrases qu'il produit, soit cette connaissance est locale, arrangée autour d'exemples spécifiques et ne permettant pas de généralisation d'un îlot de grammaire vers un autre. Nous aurons reconnu ici que la thèse de la « Verb Island Hypothesis » de Tomasello est une thèse qui défend un apprentissage datadriven, puisque la connaissance syntaxique de l'enfant est locale, organisée autour de mots et d'expressions particulières qu'il a entendu. Durant les sessions expérimentales, les enfants étaient exposés à des phrases contenant des verbes nouveaux : TAMMING, GAPPING, et DACKING. Ces verbes furent employés dans des phrases qui ne respecte pas l'ordre SVO de l'anglais, mais utilise l'ordre SOV (« Elmo the car GRAPPING ») ou l'ordre VSO (« TAMMING Elmo the car »). Pour que l'enfant comprenne la situation décrite, un des expérimentateurs mimait la situation en employant une marionnette d'Elmo et des jouets de voitures. Après la présentation de l'expérimentateur, l'enfant avait pour tâche d'effectuer la même action avec d'autres jouets. L'expérimentateur disait par moment « Qu'est-ce qui en train de se passer maintenant ?, Ce test permettra donc de tester la généralité de la connaissance de l'ordre basique des mots par l'enfant

, 00 et 3;00 ans) respectaient la structure d'exposition (SOV) autant qu'ils faisaient des corrections en employant l'ordre SVO, alors que les enfants de quatre ans étaient beaucoup plus enclins à corriger l'ordre SOV en SVO. La même chose est vraie pour la condition VSO, les enfants de deux et trois ans corrigeaient en SVO ou respectaient l'ordre VSO, alors que les enfants de quatre ans étaient plus enclins à, dans la condition SOV, les deux plus jeunes groupes d'enfants

, En effet, si l'enfant acquière l'ordre des mots sur la base des verbes spécifiques qu'il rencontre, et puisqu'il a déjà appris l'ordre approprié qui va avec le mot « push », il sera moins enclin à utiliser l'ordre agrammatical que présente l'expérimentateur. Comme le note Akhtar : Dans la condition de contrôle, les enfants de tous âges furent plus enclins à corriger l'usage de l'expérimentateur du verbe familier par l'ordre SVO plutôt qu'à respecter cet usage. [?] Il semble que les jeunes enfants n'imitent pas simplement l'usage des ordres de mots non-anglais de l'expérimentateur : ils ne le font que lorsque les verbes sont nouveaux, c'est-à-dire pour des verbes pour lesquels ils n, Une condition de contrôle fut ajoutée, dans laquelle les enfants furent exposés à des verbes familiers (« pushing » par exemple) dans des ordres agrammaticaux, pp.194-195

, Le point décisif concerne les enfants de deux et trois ans, ceux-ci ne sont pas encore disposés à corriger cet ordre des mots, et sont capables d'utiliser l'ordre VSO par exemple lorsque celui-ci fut utilisé pour introduire un nouveau verbe. Ainsi, le jeune enfant peut employer deux ordres de mots différents dans une même langue (ce qui n'est pas permis par une version forte de la thèse des principes et paramètres), et ce n'est que vers quatre ans qu'il atteint une connaissance générale de l'ordre basique des mots de sa langue, montrant donc qu'il a besoin de beaucoup d'inputs linguistiques et pas seulement d'une faible exposition. La connaissance linguistique du jeune enfant semble ainsi dépendante des données qu'il reçoit, puisqu'il est capable d'employer un ordre de mots déviant dans sa langue lorsque c'est sous cette forme qu'un nouvel élément linguistique lui a été présenté. Ainsi, la connaissance grammaticale de l'enfant est initialement organisée autour d'éléments lexicaux spécifiques qu'il a recueilli dans les données linguistiques. Il lui faut une grande quantité d'exemplaires pour atteindre à une connaissance générale d'un dispositif grammatical déterminé, par exemple l'ordre des mots. C'est autour des exemplaires qu'il recueille qu'il organise sa première connaissance de la langue, et il lui faut une grande quantité de ces exemplaires pour passer d'une connaissance item-based de sa langue à une connaissance générale. L'apprentissage est donc data-driven : ces résultats soutiennent l'hypothèse selon laquelle l'acquisition d, Ainsi les résultats semblent soutenir la thèse de l'apprentissage data-driven : en effet, bien que le fait que les enfants de quatre ans soient capables de corriger l'ordre des mots nouveaux montre qu'ils ont atteint une certaine connaissance générale de l'ordre des mots de leur langue, cela ne contredit pas l'hypothèse fonctionnaliste, pp.197-198

, Faciliter l'acquisition syntaxique de l'enfant

, Deux groupes d'interventions furent créés : dans le premier groupe les enfants furent exposés à des phrases à forme complexe avec verbe, l'autre groupe fut exposé à des interrogatives complexes. Pendant cinq séances d'intervention d'une heure, un expérimentateur rencontrait un enfant individuellement, le tout sur une période de deux mois. L'expérimentateur exposait l'enfant à des structures du type que nous avons listé (suivant l'appartenance de l'enfant au groupe d'intervention sur les questions complexes ou sur les formes verbales complexes), essayait de provoquer certaines phrases de la part de l'enfant et reformulais les phrases de l'enfant en insérant les formes nouvelles. Par exemple, pour le groupe d'intervention portant sur les questions complexes, si l'enfant disait « You can't get in ! », l'expérimentateur reformulais de façon à incorporer des questions complexes « No, I can't get in, can I ? ». Les productions de l'enfant lors des quatrièmes et cinquièmes sessions furent enregistrées et codées en fonction de la présence ou de l'absence des formes verbales complexes ou des interrogatives complexes. Les résultats de l'expérience montrent que : des effets clairs et sélectifs des interventions furent obtenus. Les questions complexes manquantes avant l'intervention furent utilisées par les six enfants qui reçurent l'intervention dirigée vers ces formes. A l'opposé, l'usage de questions complexes n'a été observé que par un seul enfant parmi les six qui reçurent l'intervention concernant les formes verbales complexes. Le schéma inverse tient pour l'acquisition des formes verbales complexes. Chacun des six enfants de l'intervention sur les formes verbales complexes acquirent les nouvelles constructions verbales qui n'étaient pas présentes avant l'intervention, comme des phrases à deux verbes au passé, alors il semble qu'il soit possible de 'expérience, il fut vérifié qu'il ne maîtrisais pas encore les questions complexes (les tag questions formées par l'ajout de « did'nt I » sur une phrase affirmative « I changed them around, did'nt I? », les questions Wh-négatives « Why can't I go ? », les questions négatives « Doesn't it hurt ? »), ni les formes complexes avec verbes (les phrases avec un verbe au conditionnel ou au passé « He could help me », les phrases avec deux verbes au passé, au conditionnel ou au futur « He will run and jump »), p.225

D. &. Bates, «. Wulfeck, and . Psycholinguistics, les auteurs recensent le fait suivant : Le développement grammatical commence par quelque chose comme un stade de phrase d'un mot (oneword stage) dans toutes les langues, mais il y a des variations entre les langues dans la forme du parler-en-un-mot. Par exemple, l'enfant qui parle le groenlandais (Western Greenlandic) commence par produire des petites parties des mots longs et complexes de sa langue, 2001.

, semble indiquer que la fréquence, ainsi que la complexité d'une structure syntaxique, peuvent déterminer la course développementale de l'enfant. Les idiosyncrasies des langues ont des conséquences sur la course développementale de l'enfant, lui permettant d'une langue à l'autre d'apprendre une même structure syntaxique plus tôt si elle est employée plus fréquemment dans une de ces deux langues, ou encodée de manière plus facile et repérable. La langue apprise, et ses particularités en tous genres (phonologique, lexicale, syntaxique) est donc bien un des facteurs à prendre en compte dans la théorie d'apprentissage. Une telle approche, qui analyse les implications qu'ont les particularités d'une langue particulière sur la course développementale de l'enfant, n'est possible qu'à travers une approche de l'apprentissage datadriven, Ces trois faits, parmi tant d'autres qui jalonnent la littérature développementale interlinguistique

. Évidemment, ces quelques remarques nous poussent à considérer la question de la fréquence d'exposition dans la théorie d'apprentissage fonctionnaliste

, Le retour de la fréquence La conception data-driven de l'apprentissage des fonctionnalistes met évidemment en

C. Le-remarque-tomasello, importance de la fréquence des inputs empêche en son fondement même certaines tentatives développementales générativistes : Il y a beaucoup de travaux traditionnels de linguistique qui étudient l'acquisition du langage et regardent l'ordre d'apprentissage par l'enfant de certaines structures pour en inférer leur complexité linguistique 120 . Mais de telles inférences ne seront jamais valides si on les établit seulement sur la base de l'ordre d'acquisition, sans quelques informations sur la fréquence relative avec laquelle les enfants entendent les constructions en question. La fréquence de l'input et la complexité structurale, p.175

, Plus haut, Tomasello note que « vraisemblablement, un facteur important de

, En ce sens, les fonctionnalistes effectuent une nouvelle révolution dans la théorie d'apprentissage du langage, replaçant la fréquence d'exposition de constructions spécifiques comme un facteur fondamental du parcours (la doctrine béhavioriste) ensuite parce que son emploi dans la discussion en sciences cognitives nous a semblé trop flexible et inconsistant. Quelles conditions d'adéquation restent-ils alors ? Nous en proposerons trois, en modifiant la liste originale de Pinker : 1-La condition développementale, telle qu'énoncée par Pinker, et qui pour nous occupe la première place : une bonne théorie de psycholinguistique développementale doit fournir une explication qui soit en accord avec ce que l'on sait de la course développementale linguistique des enfants, que celle-ci soit connue par la méthode naturaliste ou la méthode expérimentaliste. La time condition de Pinker n'est pas conservée indépendamment mais intégrée dans nos conditions 1 et 2 et même élargie : elle ne consiste pas à simplement expliquer que l'apprentissage linguistique se déroule en trois ou quatre années, mais doit au contraire rendre compte du timing développemental lorsque des régularités développementales se dégagent inter-individuellement. Selon nous, fournir une explication cohérente avec ce qui est connu du développement linguistique de l'enfant est ipso facto rendre compte de la time condition, C'est véritablement l'idée que la fréquence d'exposition joue un rôle déterminant dans la course d'acquisition, et que l'input (les données linguistiques primaires que reçoit l'enfant) et l'output (

, psycholinguistique développementale doit fournir une explication qui soit en accord avec ce que l'on sait du développement cognitif et physiologique (en incluant bien sûr les données de la neurophysiologie) général de l'enfant. En particulier, le critère proposé par Tomasello (voir III, B, 1.5 note 106) consistant à dire qu'une bonne théorie doit être en mesure d'expliquer le timing développemental nous semble être à conserver, et nous incite à penser, comme Tomasello, qu'une telle explication ne peut être fournie qu'avec une attention portée au développement cognitif général. Cette condition contient également une explication du trajet développemental des enfants atteints de pathologies linguistiques (SLI, down syndrome, williams syndrome, autisme, cécité, surdité), étant donné que des capacités cognitives pathologiques entraînent des trajets développementaux distincts. La cognitive condition, qui explique le développement linguistique normal en fonction des capacités cognitives générales normales

, La condition environnementale : une bonne théorie de psycholinguistique développementale doit être capable de rendre explicite la relation entre l'input et l'output de l'enfant, suivant la langue-cible apprise et les idiosyncrasies qui lui sont propres 122 , et suivant le type d'interactions linguistiques auquel participe l'enfant 123 . Une bonne théorie doit donc fournir une présentation de l'environnement linguistique de l'enfant et permettre de relier les différences

, le Competition Model de Bates & MacWhinney semble particulièrement bien préparé : « Le Competition Model est un cadre de travail pour l'étude interlinguistique de l'usage du langage. Il a été mis au point pour capturer des faits à propos de la compréhension, de la production et de l'acquisition du langage par les êtres humains réels à travers une variété de langues de types distincts tant qualitativement que quantitativement, 1989.

, En effet, elle permet une étude empirique précise des différentes interactions linguistiques entreprises par l'enfant à différents stades de développement (les interactions avec la mère, avec l'enseignant, avec les camarades de classe), pour des enfants qui diffèrent à la fois par leur environnement linguistique (environnement monolingue avec seulement des variantes sociolinguistiques, environnement avec compétition entre langue standard et dialecte locaux, environnement plurilingue), et par le niveau social de leurs parents ; en se concentrant particulièrement sur la relation entre l'environnement linguistique et l'acquisition des variétés sociolinguistiques, A cet objectif, la sociolinguistique développementale prônée par Chevrot et ses collègues semble particulièrement bien préparée, p.27

, Ou encore : Les conclusions suivantes sont, selon moi, ouvertes à de sérieux défis : 1 -des dissociations similaires, développement lui-même est vu comme jouant un rôle crucial dans la formation de conséquences phénotypiques, p.334

, mots prononçables provoquent typiquement une augmentation de l'amplitude du composant N400, c'est-à-dire une négativité sur l'emplacement de l'électrode central. A l'opposé, les violations grammaticales provoquent des négativités antérieures (parfois plus larges sur l'hémisphère gauche que sur l'hémisphère droit) et/ou des positivités postérieures (appelées P600 ou Syntactic Positive Shift), Des mots anormaux ou inattendus, 2007.

, Le but de cette investigation épistémologique serait justement de parcourir la littéra

, Selon nous, c'est seulement une fois ces études effectuées que l'on pourrait y voir plus

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