, Derrière tes pensées et tes sentiments se tient ton corps et ton soi dans le corps : la terra incognita 63 », disait Zarathoustra. Le corps est ce je-ne-sais-quoi qui contient tout ce dont notre esprit a besoin pour penser, s'exprimer, et retourner en soi. Nous habitons notre corps, néanmoins il s'agit d'une terre inconnue

. «-l', peux poser devant moi, car il est toujours avec moi, je ne peux m'en défaire et le contempler dans une extériorité partes extra partes 64 ???. L'expérience du corps propre n'est pas non plus celle d'un sujet, qui se caractériserait par son intériorité et sa pleine coïncidence avec lui-même, car le corps possède un dehors visible pour autrui, une extériorité de sorte qu'il peut subir l'action de son environnement 65 . » Le corps nous suit pendant que nous l'expérimentons, il ne se donne pas à nous comme objet, et jamais nous ne pouvons l'embrasser intégralement du regard. Il ne peut tout de même pas être sujet, car sa conscience n'est pas en lui, mais elle est toujours dehors. Il nécessite, donc, qu'Autrui le regarde de l'extérieur, et même temps, d'être regardé en pleine conscience par le Je qui l'habite dans son intériorité

, Il est tout à fait mien sans être tout à fait moi, et ce mode d'être n'est réductible ni à la pure objectivité ni à la pure étranger ». Serait-il possible d'affirmer, d'une certaine manière, que c'est mon corps qui est le sujet et que le corps d'Autrui m'est offert comme un objet à être examiné, regardé, et observé ? D'où vient cette certitude de considérer Autrui comme une « proie » ou un « point focal », selon les termes de Vito Acconci, « À la fois proche et lointain, mon corps m'offre l'expérience de l'intimité la plus profonde et de l'étrangeté la plus radicale, puisque je peux, dans une certaine mesure, m'en abstraire et le considérer comme un objet

C. Jaquet, Le corps, pp.7-66, 2001.
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S. Merleau-ponty, Si pour Chantal Jaquet, le corps gardait un statut neutre entre l'objectivité et la subjectivité, pour Merleau-Ponty, il s'agit d'un objet pour la conscience et il est constitué par cette conscience même. Alors, comment savons-nous que le corps n'est pas habité ? Cela signifie-t-il que le corps peut exister indépendamment et libre du moi ? Qui est ce Je qui n'affecte guère le corps dont la conscience est indispensable pour ce dernier ? « Le corps réel est tout aussi bien celui que me révèle l'expérience vécue ???, vol.67

, Comme une bulle d'air créée sous l'eau qui remonte vers la surface afin de rejoindre l'air, le rôle du corps est de donner du sens aux expériences les plus variées et les plus intenses qui soient, tout en étant avec elles

R. Dans-le-phèdre-de-platon and . Socrate, et que nous traînons avec nous comme l'huître traîne la prison qui l'enveloppe 70 . » Sommes-nous vraiment libres de ce corps-tombeau ? Sôma est sêma, le corps est signe. L'étymologie latine du mot corpus désigne, écrit Chantal Jaquet, « aussi bien l'organisme vivant que le cadavre. ??? le corps renvoie à la fois à ce qui est et ce qui n'est plus, à l'être et à au non être, à la vie et à la mort ??? 71 ». Cela signifie que nous entendons par le mot « corps », non seulement la vie qui lui a permis de voir le jour, mais aussi la mort qui lui arrachera son souffle. Cette idée de la mort du corps nous frappe d'avantage lorsqu'il s'agit de l'expérience vécue. Qu'en est-il de l'expérience de la mort telle que l'homme la connaît dans son propre corps ? Serait-elle une forme de métamorphose vers le néant ? « Ils ?les Stoïciens? admettent un vide extérieur autour du monde, « non moins purs nous-mêmes

. Merleau-ponty, Phénoménologie de la Perception, p.401

I. Jaquet, , p.14

?. Tombeau and . ??, Jeu de mots intraduisible

, Phèdre, trad. Victor Cousin, 250c, éd. Artyuiop, PLATON, p.58

I. Jaquet, mis en mesure de porter un jugement sur moi-même comme sur un objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui 81, p.23

, Selon Sartre, seule l'existence d'autrui me permet de réconcilier différents Je qui existent en moi. S'il y a le Je qui ressent la honte suite à un acte que je viens d'effectuer, il y a un autre Je qui, quant à lui, se projette en dehors du moi, vers autrui

, comme si je trouvais en moi, sur le mode d'être du pour-soi, un équivalent de ce que je suis pour autrui. ??? je ne puis mettre en rapport ce que je suis dans l'intimité sans distance, sans recul, sans perspective du pour-soi avec cet être injustifiable et en-soi que je suis pour autrui 82 . » Ce dedans du pour-soi et le dehors de l'en-soi ne seraient, alors, jamais compatibles ? Comment, le moi, en tant que seul être au monde, peut-il se composer de deux êtres si distincts ? Cela signifie-t-il qu'Autrui ne connaîtrait que l'en-soi du moi, qui n'existe que pour autrui ? « Ainsi autrui ne m'a pas seulement révélé ce que j'étais : il m'a constitué sur un type d'être nouveau qui doit supporter des qualifications nouvelles. ??? Mais cet être nouveau qui apparaît pour autrui ne réside pas en autrui ??? j'ai, « Il ne s'agit cependant pas de la comparaison de ce que je suis pour moi à ce que je suis pour autrui

L. Qu, C'est cette intervention involontaire d'autrui qui transforme en un être, et ce dernier, à son tour, permet d'être à l'être d'autrui. Sartre définit cette relation de mon corps avec le corps d'autrui comme « une relation de pure extériorité indifférente 84 ». Une extériorité qui ne pénètre jamais celle d'Autrui, bien qu'elle soit extériorité du dedans pour chaque corps. Dans ce sens, il s'agit d'une extériorité à sens unique, contrairement à l'intériorité réciproque du pour-soi qui ne cesse de se renfermer sur lui-même. Alors, qu'en est-il, p.312

. Ibid,

. Ibid, , pp.312-313

. Ibid, , pp.313-314

, Comment ces problématiques peuvent-elles être explorées par l'art et quelle est la singularité de cette approche par rapport à d'autres disciplines qui les concernent ? L'artiste -le performer en l'occurrence -ne cherche pas un objet d'art

, Cela signifierait que lorsqu'un corps est performé, il vit une dimension autre que celle du Beau et que celle d'être habité au quotidien. Le corps incarné par l'art n'a radicalement pas une utilité comparable à celle que nécessiterait le corps d'un nageur ou celui d'un musicien. À la différence de ces derniers, l'artiste ne se contente pas de solliciter ses sens, au-delà de cette simple mobilisation physique, il donne son corps à Autrui. Le corps n'est pas, pour lui, un simple moyen d'expression interchangeable. Il est le « tout » et seul le corps peut occuper cette place. Le rôle de l'artiste n'est plus, donc, de regarder l'objet et d'observer le monde, mais il consiste à « se regarder ». Pourquoi alors, dans la vie courante, n'avons-nous pas ce degré de conscience de notre corps et de celui d'Autrui ? Il semblerait que notre regard soit double et différencié, l'un pour la Vie et l'autre pour l'Art. Lorsque notre regard se porte sur l'art, le corps se transforme en une sorte d'objet. Le terme d'« art », tel que nous l'entendons aujourd'hui, n'est plus valable dans la définition aristotélicienne de la poièsis

, En quoi, alors, ces approches artistiques possèdent-elles une particularité qui les distingue des questionnements purement philosophiques ? Selon Platon, l'art n'étant qu'une apparence d'apparence, est un néant ontologique

. Nietzsche, Si le monde n'était qu'une somme d'illusions, l'art serait le seul à en exprimer la vérité, car, sa nature éphémère ne fait que renforcer les aspects du réel sous son enveloppe. Ainsi l'artiste dévoile-t-il les profondeurs les plus intimes de l'être humain, « sonde les coeurs et les reins » selon l'expression biblique et plonge dans des abysses dont aucun théoricien ne pourrait mesurer la profondeur. Les philosophes de l'Antiquité avaient une préoccupation intense à l'égard des autres, celle envers soi-même consistait en une prise de conscience de ce qu'est la vie réelle 6 . Il en va de même pour les artistes dont l'intention artistique concerne non seulement leur propre oeuvre mais se tourne aussi et essentiellement, en direction des autres

«. La and ?. Donc, ? Sa susceptibilité, son arrogance, sa vanité héroïque de l'autodestruction est précisément l'élément qui ?, ? porte à la lumière et met en évidence le caractère exceptionnel de sa position

L. , Comme disait Rosenberg : « L'artiste de l'" après-art" (post-art) pousse la définition de l'art jusqu'au point où il ne subsiste plus rien de l'art sinon la finition de l'artiste. Il ne veut pas s'occuper d'autre chose que d'essences. En guise de peinture, il s'occupe d'espace, en guise de poésie ou cinéma, vol.8

, En ce qui concerne la performance, peut-être pouvons-nous affirmer que l'artiste s'occupe du « corps », ce dernier étant l'essence de tout notre relation avec Autrui

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