, donner du travail à autrui et même à des mineurs, d'autant plus que le bouche à oreille fonctionne bien et qu'elle a de très bons retours des clients sur le travail de son entreprise, et qu'elle a pu se constituer un réseau beaucoup plus conséquent qu'auparavant, mais à la fois, son esprit est toujours plus ou moins au travail, ce qui nous rappelle un des facteurs de pénibilité du salariat dans certains cas: la porosité entre le temps de travail et le temps hors-travail. Même lorsque techniquement, elle n'est pas au travail, son esprit y est, elle se pose des questions, etc. Et même lorsqu'elle n'est pas sur les chantiers, elle travaille: certains dimanches dans le mois sont dédiés à faire les factures et toutes les tâches administratives dont il

. Dans-l'extrait-mentionné-ici and . Qu, elle fait parfois cinquante heures de travail pur physique, c'est-à-dire hors travail administratif, par semaine, ce qui est tout de même lourd en termes d'amplitudes horaires. Qui plus est, elle mentionne également que même si cela fait bientôt deux ans qu'elle a pu lancer son entreprise, elle ne se dégage pas encore de rémunération. En soi, cela ne lui pose pas de problème, puisqu'elle continue d'avoir des allocations, que c'est prévu ainsi avec son comptable, et qu'elle ne vit pas seule, mais pour quelqu'un qui vit seul et n'a pas possibilité d'avoir une autre source de revenus que sa propre entreprise

, Mis à part cet extrait d'entretien montrant quelques désavantages pratiques de l'auto-entrepreneuriat, on peut également se baser sur de la littérature dont le sujet d'étude est l'auto-entrepreneuriat, afin de voir

, En 1979 apparaît l'Accre, l'Aide aux Chômeurs Créateurs et Repreneurs d'Entreprises, qui était au départ destinée uniquement aux cadres, « au vu de leur potentiel supposé de créateur d'entreprise, voire d'emplois. » 65 . L'aide s'est ensuite élargie au reste de la population des travailleurs, et en 2009 est apparu le statut d'auto-entrepreneur. Comme le précise Sarah Abdelnour, Maître de Conférences en sociologie à l'Université Paris-Dauphine, dans son article L'auto-entrepreneuriat: une gestion individuelle du sous-emploi, l'auto-entrepreneuriat est un: « régime simplifié de création d'entreprises individuelles, qui dispense ses usagers de certaines formalités administratives, les exonère du versement de la TVA et indexe les prélèvements obligatoires sur leur chiffre d'affaires de manière strictement proportionnelle, Revenons brièvement sur quelques éléments historiques et factuels concernant l'autoentrepreneuriat, p.32

S. Abdelnour, 000 euros pour les activités de services et 80 000 euros pour le commerce, La Nouvelle Revue du Travail, issue.5, p.66, 2014.

, Or, on s'aperçoit que beaucoup de chômeurs se tournent vers le régime de l'auto-entrepreneuriat, ce qui est plutôt commode administrativement puisque ces mêmes travailleurs désormais autoentrepreneurs ne figurent plus dans les statistiques du chômage de catégorie A. Le régime de l'autoentrepreneuriat rassemble des individus « en marge de l'emploi stable », comme le précise Sarah Abdelnour: « 29 % de chômeurs, 6 % de précaires (CDD, intérimaires, intermittents) et 11 % d'inactifs. » 67 . L'autrice évoque l'injonction à l'activité, qui s'exprime à travers les multiples justifications que l'on demande aux personnes inscrites au chômage, qui doivent sans cesse « prouver » qu'elles sont bel et bien à la recherche d'un emploi, d'une activité, qu'elles ont des projets, de la motivation

L. Ainsi, . Sarah-abdelnour-Évoque-un-cas-concret, and . Qu, elle a rencontrée dans le cadre de son enquête sur l'auto-entrepreneuriat, elle mentionne le fait que « la volonté de s'assurer des revenus est assortie d'une volonté de lutter contre le stigmate du chômeur », ce qui est un élément que l'on retrouve au fur et à mesure des entretiens menés dans le cadre du stage. Cette pression sociale à être « actif », à ne pas « rester à la maison sans rien faire », cette nécessité de retrouver le plus vite possible une source stable et durable de revenus afin de subvenir à ses besoins financiers, c'est un ensemble de pressions qui s'ajoutent les unes aux autres

, L'autrice mentionne également l'accès à l'auto-entrepreneuriat comme remplacement d'un salariat fragile, par exemple un régime visant à assurer des revenus d'appoint pour des femmes dont la trajectoire professionnelle est fragilisée ou irrégulière. Cela permet également d'éviter d'avoir affaire à des institutions comme Pôle Emploi qui misent sur les contrôles (est-ce que la personne recherche bien un emploi, etc) mais aussi d'éviter un jugement qui viendrait de l'entourage. « La volonté de contourner le chômage est ici essentiellement une volonté d'éviter le contrôle et le stigmate, sur fond de fatalisme quant à l

, Qui plus est, un autre point que l'on peut remettre en question est que parfois, faire appel à des travailleurs ayant le statut d'auto-entrepreneur est plus avantageux pour les sociétés ayant besoin de main d'oeuvre, que de faire appel à des salariés. En effet, dans des secteurs comme le nettoyage, la construction, certaines sociétés, des « donneurs d'ordre » vont solliciter plus facilement des autoentrepreneurs car cela leur permet de s'exonérer de charges supplémentaires qu'elles auraient à payer si elles embauchaient des salariés pour faire faire ce même travail (assurance, matériel, vol.66

. Ibid,

. Ibid,

, D'autant que les personnes en auto-entrepreneuriat ne peuvent déduire de leurs charges les frais liés à l'achat de matériel, à la location de véhicules, p.69

, L'auto-entrepreneuriat demeure donc un régime précaire au sens où les personnes s'y inscrivant sont bien souvent soumises à une forte concurrence, peuvent déjà être dans une trajectoire professionnelle fragilisée (chômage, problème de santé, menace de licenciement, jeunes diplômés sans expérience), et ne bénéficient pas forcément des mêmes protections que celles que l'on peut trouver dans le salariat (assurance, sécurité sociale, base de salaire, collectif de travail). Ainsi, au lieu de faire appel à des institutions pour gérer une période de chômage, les personnes se tournent vers elles-mêmes pour fonder un projet et cela accélère une privatisation et une individualisation des mécanismes d'assurance sociale, dont on peut penser que cela accentuera

, Nous allons maintenant nous pencher sur des éléments concernant le dispositif du MOA-IJ, pour

, III) 5) Le module du MOA-IJ: insatisfaction et déstigmatisation

, Parmi les matériaux accumulés lors des entretiens, on peut relever divers éléments concernant le MOA-IJ, qui peuvent se décliner en deux axes majeurs, à savoir, une insatisfaction globale concernant le MOA-IJ en tant que module utile pour sa propre reconversion, mais aussi un versant positif sur la dynamique de groupe

M. Le, III) 5.1)
URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00496187

, Lorsque l'on interroge les personnes ayant suivi le MOA-IJ, on s'aperçoit que bien souvent, celles-ci sont

. Globalement, lors des premiers entretiens, les personnes sont très contentes de l'avoir fait, et sont satisfaites du module, mises à part quelques personnes qui trouvent qu'il y a un manque de suivi

, Auto-entrepreneurs : les nouveaux prolétaires?, Par ailleurs, on remarque des personnes pas du tout satisfaites du module: William, par exemple, 2017.

L. Moa-ij, on peut y trouver plusieurs explications. Par exemple, dans notre population, nombreuses sont les femmes qui ont travaillé longtemps dans le milieu ouvrier, et qui ont dû endurer un statut fortement stigmatisé de par leur sexe. Ces personnes ont dû assumer des responsabilités au travail, assurant parfois les tâches d'un chef d'équipe sans obtenir la rémunération normalement attribuée

. Laetitia, Ainsi, il y a cette sorte de propension à exploiter ces personnes, à leur donner un travail pour lequel elles n'auront pas

, d'ailleurs plusieurs femmes interrogées parlent du fait que le MOA-IJ leur a permis de se dire qu'elles n'étaient pas « nulles » ou aussi « bonnes à rien » qu'elles le pensaient, que ce soit après leur période d'inactivité ou après le choc de leur problème de santé. L'idée que l'on retrouve plusieurs fois c'est que c'est toujours bon d'apprendre, que ça ne fait pas de mal. Par exemple, on peut citer Charline: « Bah on apprend toujours ! [?] Après faut être apte à apprendre et puis voilà être bien dans sa tête pour apprendre et puis j'étais pleinement en reconstruction aussi avec ma personne. [?] L'objectif c'était que je me recontacte avec d'autres personnes aussi puisque je restais chez moi, On peut donc expliquer la plus grande satisfaction des femmes à l'égard du MOA-IJ, parce que ce module peut constituer un moyen de les renarcissiser

, Pour faire le point sur le niveau de satisfaction, on peut dire que globalement, quasiment toutes les personnes interrogées en première intention étaient satisfaites du module, mais par la suite, cela s'est dégradé lors des seconds entretiens

, En dehors de cela, cinq personnes disent qu'elles referaient le module mais pour différentes raisons: une personne mentionne qu'elle le ferait pour ne pas perdre ses droits, et les autres ont trouvé le contenu léger, et expliquent que ce n'est pas grâce au module qu'elles ont trouvé un emploi, ou que cela a été « compliqué derrière », sous-entendu pour trouver un emploi. Les six personnes restantes n'ont pas trouvé le module utile, car celui-ci n'a pas répondu à leurs attentes, que cela a été une « déception » ou une « perte de temps, Pour donner des détails chiffrés, sur les 18 personnes dont nous avons pu obtenir une retranscription d'entretien ou un entretien de visu, 7 personnes affirment qu'elles sont satisfaites du module, qu'elles le referaient sans hésiter si c'était à refaire

. L'utilité-est-définie-selon-l'objectif, objectif que fixent les personnes est effectivement de retrouver un emploi par la suite, qui s'adapte à son état de santé, alors il n'est pas certain que le MOA-IJ puisse remplir cet objectif. Néanmoins, de nombreux participants à ce module témoignent du bénéfice de la notion de groupe. En effet, et l'on peut rapprocher cela de la notion de stigmate que l'on retrouve régulièrement dans ce travail, le MOA-IJ constitue un espace plus « sécurisant » pour les personnes malades, que les sphères classiques (cercle d'amis, collègues, espace public en général), au sens où cela leur permet d'une part de comparer leurs expériences et de relativiser sur leur propre problème de santé, et d'autre part, de sortir de leur statut de stigmatisé. Cela peut leur donner une force de groupe, qui est souvent mentionnée dans les entretiens, cette notion d' « on est tous dans le même bateau », ce bateau, on peut même dire cette galère qu'ils ont en commun, leur permet de s'épauler les uns les autres pour construire un projet ensemble

. Sophie-par-exemple, . Mentionne-le-fait-d'être-rassurée-de-«-voir, and . Qu, Julie l'exprime de manière plutôt claire: « En groupe du coup on a le soutien des autres personnes, on a les idées des autres personnes, ça c'est vachement important et on a cette poussée, je ne sais pas comment dire ça... cette motivation en fait d'aller plus loin parce qu'on sent la force du groupe, la motivation du groupe quoi en fait. ». Elle mentionne également le fait que les autres l'ont aidée à se diriger vers une voie dont elle ne se rendait pas compte qu'elle pourrait lui correspondre: « Moi je ne m'en rendais pas forcément compte, c'est pour ça que d'être en groupe du coup les gens ils ont une certaine image de nous et du coup ils voient autre chose que nous. Nous on est dans notre bulle, on ne voit pas forcément... je ne sais pas si je me fais bien comprendre mais... des fois on vise un truc et en fait ce n'est pas ça ! Heureusement que justement il y a eu du monde à côté quoi. Ils donnent plein d'idées

, Maryline fait partie des personnes qui ont été déçues du module mais qui le referaient « juste pour être en groupe » (entretien 2): « c'était bien le groupe pour ça, parce qu'on était tous dans le même cas, il n'y avait pas d'a priori, chacun avait son petit handicap et on était tous empathiques, tolérants, bienveillants entre nous

, peut-être que ça va leur ouvrir les yeux en disant ben « moi je coince partout » peut-être que c'est bon aussi pour le moral de se dire ben oui, « toi t'es pas comme les autres », finalement. » (Françoise, 55-60 ans, problèmes articulaires et algodystrophie, hernie discale. Entretien 2.), Françoise aussi évoque cette proximité avec les autres personnes handicapées du groupe du MOA-IJ: « peut-être qu'il y aura d'autres personnes dans le même cas que moi

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