, La réinsertion n'est plus appréhendée comme « une période transitoire entre deux emplois, mais une solution durable 402 » qui s'est détournée des objectifs initiaux. Pour Robert Castel, cela s'apparente à un placebo occupationnel, qui tend à faire oublier le non-emploi par une multitude d'activités, une « situation de flottaison dans une sorte de no man's land social 403

, On avait dit, à la base, j'étais venu sur l'info collective pour avoir les contenus de formation. Sauf qu'ils enchaînent les tests, j'ai fait le package ». Petits pas, étapes transitoires, ou « sas », et « cul-de-sac 405 » ? Pour les plus éloignés de l'emploi, Isabelle Plond-Morand rappelle que l'Insertion par l'Activité Economique constitue « des alternatives à l'emploi afin d'éviter le désoeuvrement ou la déserrance, des dispositifs plus ou moins adaptés, et d'autre part, d'y

, On ne sort pas vraiment pour ceux qui sont dans la misère, de la misère en leur donnant vingt-six heures par semaine. C'est vraiment du foutage de gueule, pour être vulgaire. Moi j'ai pas senti qu'on avait vis-à-vis de nous? Comment dire ? On était de passage. Et c'était clair qu'on était de passage. Et puis il y avait cette histoire de sept mois renouvelables. Je trouve que c'est atroce. Moi je trouve que c'est tout le système est à refaire. Soi-disant, c'est fait pour les 402 O, « D'abord ça n'aboutit à rien dans quatre-vingt-dix pour cent des cas. C'est des leurres

R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale, op. cit, vol.665, p.sq

. Idem,

. Ibid, , p.698

, Mais rien n'est fait pour les personnes

, Si c'est la seule occurrence citée dans l'échantillonnage, elle révèle des dysfonctionnements et exprime peut-être néanmoins ce que d'autres ont censuré

. «-c'est-une-utopie-quand-tu-y-es,-une-dystopie-quand-t'en-sors, Si tu te situes dans la perspective où tu veux que la personne évolue, tu peux le voir négativement, mais au niveau de la personne, j'aurais été comblé. D'être bien, ça y a aucun doute, si j'étais resté aux jardins ad vitam aeternam, c'est pas sûr que je me sois bougé comme là. C'est malheureusement retors. » Idem pour Céline qui s'est repositionnée quelques années plus tard, faute d'avoir trouvé un emploi. Sa candidature a été refusée : « Faut laisser la place aux autres. Mais j'me suis bien plu aux jardins. » L'insertion par l'activité économique s'apparente à une bulle dans laquelle les populations précaires se projettent, à défaut d'autre chose, presque indéfiniment. Clément, accordant peu d'importance à la qualification du travail et au statut, envisage effectivement l'entreprise d'insertion davantage comme une finalité qu'une échappatoire : « J'aimerais aller sur l'Entreprise d'Insertion » afin « d'accéder à la dignité du travail 406 » procurée par la fiche de paye. Elle lui permettrait d'occuper un poste à temps plein, Parce que moi je me suis énormément attaché à la structure et aux gens. Ça a été la chute

. «-l', Du coup, c'était continuer d'avancer sur le projet tout en ayant? un peu comme le chantier d'insertion, mais l'étape d'après. Et ça permettait de voir des postes différents car vu qu'on est sur des missions à droite de gauche, on voit des secteurs différents, voir s'il n'y avait pas une révélation qui poussait se faire. Ça permettait aussi de garder le pied dans le monde du travail. Garder cette dynamique, cet élan, car je n'avais pas de projet défini dans le marbre à ce moment-là

, Pour Robert Castel 407 , ce « stade transitoire », cet « état « transitoire-durable » », concourt à maintenir entre « l'exclusion et l'insertion définitive

. «-en-d'autres-termes, Qu'est-ce qu'un inséré permanent ? Quelqu'un que l'on n'abandonne pas complétement, que l'on accompagne dans sa situation présente en tissant autour de lui un réseau d'activités, d'initiatives, de projets, p.41

R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale, op cit, vol.699, p.sq

, Echec 437 d'autant plus douloureux pour lui, qu'il nourrissait ce projet depuis longtemps

, Céline a suivi un parcours de recrutement relativement similaire

. Le, Des tests de géométrie, deux entretiens d'embauche, l'un avec le chef d'atelier, l'autre la responsable et le patron du site. Ce qu'ils recherchaient : motivation, volonté. Comme j'avais fait une formation en piquage, j'avais rapporté des choses que j'avais faites. Du coup, il m'a fait tourner dans l'atelier et m'a demandé les noms des machines. J'ai enchaîné sur six mois de formation professionnelle puis l'entrée en CAP [?] à Givors. » La période de préformation, intégrée au parcours sur-mesure de l'entreprise, ne correspond pas au statut de salarié, mais à celui de stagiaire de la formation professionnelle. Céline, en tant que demandeur d'emploi, ne percevait donc

, Pour ces deux exemples extraits de l'échantillonnage, le risque d'échec s'avère d'autant plus grand et stigmatisant qu'il est rédhibitoire : en effet, impossible de représenter les tests, pour une durée déterminée (de six mois à un an) ou à vie

, Ces deux situations, si elles révèlent bien l'effort de coordination locale, rendent compte de l'exigence portée sur les candidats. D'un côté, les recrutements sont ouverts à des personnes sans expérience, des populations vulnérables donc, de l'autre, les modalités de recrutement sont d'autant plus sélectives, que chaque acteur rajoute son expertise et ses attentes, quant à la capacité à suivre une formation (compétences rédactionnelles et d'analyse), à s'intégrer (compétences relationnelles), à tenir un poste de travail

.. .. , tout autant de critères « normati[fs] et excluant[?]s, [auxquels se rajoutent] [?] des modalités subjectives 438 ». Au final, il semblerait que l'on exige davantage que ce que nécessite le poste réel, au risque qu'il y ait une inadéquation de l'offre et de la demande. C'est le cas de Pierre, p.437

, Cette expérience témoigne des difficultés d'accès à un projet qui tient à coeur a contrario d'un autre parcours de recrutement similaire en usinage

I. Plond-morand and L. , employabilité: ambiguïtés d'un concept : le cas des entreprises d'insertion de Bourgogne et Franche-Comté, op. cit, p.90

, Secteur qu'il a abandonné par la suite du fait du manque d'intérêt pour les tâches d'usinage et de fraisage trop répétitives et des allergies occasionnées par les résidus et poussières métalliques

M. L'ouvrage-de-didier-demazière and . Pignoni, Et cette perspective peut aussi s'étendre aux individus précaires. Quoi de commun entre Karima, Damien, Yvan qui ne se sont jamais rencontrés et les autres excepté, l'expérience du chômage et de l'emploi délité ? Ni la profession, ni l'âge, ni la culture, ni le territoire, ni les habitudes? D'un côté comme de l'autre, précaires et chômeurs, Chômeurs, du silence à la révolte 446

D. Part, du fait de l'hétérogénéité des situations, elle est « univoque 449 », d'autre part, elle est rarement dicible. Elle est même taboue du fait du sentiment de dégradation vécue, mais aussi elle dérange par le poids des chiffres officiels, vol.450

, infériorité sociale des chômeurs ne réside pas seulement dans le sentiment d'humiliation issu de la privation d'emploi, ni dans l'isolement social et la paralysie elle signifie aussi un déni de citoyenneté, une limitation sévère de leur existence sociale. Les chômeurs sont dépossédés de la parole sur le chômage : celui-ci correspond à un espace investi par le langage de l'autre où il n'y a pas de place pour se représenter soi-même, un espace où règnent les catégories officielles au détriment de la langue naturelle des personnes concernées, un espace sans voix, où l'expérience vécue n'est pas dicible. Le développement de l'action publique collective en direction des chômeurs, ce que l'on appelle habituellement les politiques d'aides à l'insertion et à la réinsertion professionnelles, contribue à renforcer l'encadrement des chômeurs et à réduire tout espace de parole. 451 » Effectivement

C. C'est-ce-que-rapporte,

. «-je-commence-À-parler, Il me coupe la parole. J'ai horreur qu'on me coupe la parole

, Le cadre strict et gestionnaire des services publiques de l'emploi malmène et déshumanise

. Clément, pour se rendre sur l'est de l'agglomération grenobloise en voiture sans permis, aux heures de pointe, vol.452

«. , Je suis arrivé à neuf heures dix. J'me suis fait jeté comme un chien. Quand c'est comme ça, olalala? J'ai posé mon CV, je suis reparti. J'ai rien fait du tout. Ça m'a fait arriver à midi

. Idem, , p.14

R. Castel, La montée des incertitudes, Travail, protections, p.439

D. Demazière and M. Pignoni, Chômeurs, du silence à la révolte, p.28

R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale, op. cit, vol.666, p.sq

D. Demazière, M. Chômeurs, and . Pignoni, , p.49

. Déstabilisé, il en a oublié les motifs de la démarche d'insertion et n'a retenu de cette expérience que le rejet : « Je sais plus ce que c'était. J'ai oublié. Moi quand ça va pas

, Il n'est pas le seul à faire part d'accompagnement dissuasif des services publics de l'emploi

V. Céline and P. En, Par rapport à leurs projets : Céline pour la maroquinerie, « J'y avais déjà pensé avant

». Pierre and «. Lui, était davantage chaud pour l'entrée en formation, moi, davantage chaud pour la VAE » et Vanda, pour son positionnement sur le chantier d'insertion « J'avais vu quelqu'un à l'ANPE. Je cherchais. Il y avait des postes à Cocagne. Vu mon âge, j'avais droit à des contrats aidés. Que voulez-vous qu'il m'arrive ?, vol.453

, Outre ces apports théoriques de la sociologie du chômage, étayés par les entretiens, Robert Castel démontre que le développement de nouvelles formes d'emploi atypiques occasionne le même processus d'individualisation et réduit à la « décollectivisation, vol.454

, La conséquence de ces changements objectifs, c'est que le travailleur comme personne est de plus en plus renvoyé à lui-même, et appelé à se mobiliser lui-même pour tenter de faire face à ces situations. Plus, semble-t-il, les conditions de travail sont précaires, et plus les travailleurs sont contraints à se débrouiller, à bricoler, à essayer de se tirer tant bien que mal d'affaire. Sous ces conditions, peut-on parler de "classes" d'individus, ou d'individus atomisés, en quelque sorte condamner à être des individus, individus par défaut d'appartenance à des collectifs ? 455 » Il s'interroge sur les capacités des individus les moins qualifiés, « ceux qui manquent le plus de capitaux, non seulement économiques, mais aussi culturels et sociaux, [?] ceux qui pâtissent le plus lorsqu'un modèle d'individualisation des rapports de travail se substitue à un modèle de collectivisation 456 ». Car c'est désormais à lui et à lui-seul qu, « Manquent alors les points d'appui pour l'organisation et l'action collectives dont la grande entreprise a représenté le modèle, vol.457

, Des supports d'intégration rapprochés pour se réaffilier 453 O., Gajac, « La notion de désaffiliation chez Robert Castel

R. Castel, La montée des incertitudes, op. cit, p.373

. Ibid, , p.372

. Ibid, , p.373

. Idem,

, Reste alors désormais à s'interroger sur les capacités et possibilités de prendre part à la vie sociale et collective, malgré les épreuves de décollectivisation, d'individualisation, de fragmentation et dislocation, de rupture des réseaux de semblables -salariés ou chômeurs-, les rejets mêmes parfois des politiques publiques de l'emploi. Car ils subissent, par leur double condition chômeurs -précaires

, « Il est impossible de tracer un cordon sanitaire entre ceux qui tirent leur épingle du jeu et ceux qui basculent, et cela pour une raison de fond : il n'existe pas des "in" et des "out

P. Trou, pour rendre compte de cette désaffiliation qu'il subit. C'est à eux, individuellement de trouver d'autres voies pour maintenir, réparer, restaurer ces liens par d'autres supports d'intégration sociale, une réaffiliation « dont le mode d'emploi n'est pas toujours donné d'avance, et pour lesquelles il ne dispose pas toujours des ressources suffisantes pour retomber sur ses pieds 460 ». D'ailleurs, ils l'expriment : il leur faut « se débrouiller

, Robert Castel évoque la difficulté, notamment pour les situations intermédiaires dans lesquelles se situe l'échantillonnage -les sphères de l'assistance et la vulnérabilité -à évaluer 461 la densité des relations extra-professionnelles, la « protection rapprochée 462, p.458

, Robert Castel dénombre quatre sphères de l'existence : l'intégration : personnes bien intégrées sur le marché du travail et dans un réseau de proches ; l'assistance : personnes éloignées du marché du travail, mais intégrées dans un réseau de proches ; la désaffiliation : personnes éloignées du marché du travail et isolées ; la vulnérabilité : où se combinent fragilité des liens sociaux primaires et familiaux et la précarité sur le marché du travail, c'est la zone centrale. Sources : Robert Castel, Olivier Gajac et Claude Martin. Le schéma de désaffiliation de Castel ne figure qu'en annexe (Annexe 6) dans la mesure où il ne limite pas la compréhension du mémoire. Seuls les éléments en lien direct avec le sujet sont traités ici, à savoir les processus de réaffiliation rapprochée, La désaffiliation est l'aboutissement d'un double processus de décrochage par rapport au travail et à l'insertion relationnelle, qu'il situe sur deux axes, p.715

R. Castel, La montée des incertitudes, vol.145, p.sq

«. Sauf-erreur-;-» and R. , existe pas de réponse vraiment convaincante à cette question au-delà soit d'analyses ponctuelles du type histoires de vie, soit de proclamations générales, p.672

, On fait ce qu'on veut. Personne qui commande, pas d'obligation », Si j'ai un travail définitif, oui, je peux faire un crédit. Les banques, elles vont me dire non [...] mais j'ai du soutien familial. Pas limité. Personne ne me donne des ordres. J'ai encore mon père et mon beau-père qui nous font l'avance. Ils me disent : « Ne te presse pas, La plupart des individus confirment des rapports familiaux denses, solidaires et structurants

, Avec la coupe du monde, c'est quelque chose d'important. Avec des copains sur un site. On parle du match ». Or ces relations virtuelles, régulières, révèlent sa profonde détresse et une situation aux marges de la vulnérabilité : « C'est un peu par la force des choses que je me passionne par ça. Si j'avais autre chose, je ferais autre chose ». Certains reviennent de loin, de la « galère ». Comme l'expriment Céline, Outre les liens à la famille, qui constituent une véritable « protection », communément partagée 466 , la réaffiliation s'inscrit aussi par des relations 467 aux « collègues », « amis», un « réseau » de proches

. En, Un parcours qui rétablisse le capital relationnel et ramène les personnes a minima, au centre, dans la zone de vulnérabilité, ou mieux, celle 463 R., Castel, « Individus, risques et supports collectifs », op. cit. 464 R., Castel, Les métamorphoses de la question sociale, vol.669, p.465

, Hormis Karima et Pierre, tous ont évoqué ces relations familiales soutenantes

. Respectivement,

, Robert Castel insiste : ils n'ont nullement perdu leurs caractéristiques. Il faut juste les re-lier. L'exemple de réaffiliation de Pierre témoigne parfaitement de cette démarche : il s'entraîne par étapes progressives

«. Fait-dynamic and . Emploi, en mars 2015. C'était sur deux semaines, pour être au contact avec les autres, reprendre confiance, parce quand on n'a vu personne pendant très longtemps, ou juste joué aux jeux vidéo

, Cette action d'insertion, de « remobilisation » impacte au-delà des compétences professionnelles attendues 468 par des effets de leviers sociaux et identitaires, « la rencontre de personnes confrontées à des situations similaires

, Cette étape qu'il a reconduite dans un autre cadre, s'apparente à l' « asocialesociabilité », c'est-à-dire « des configurations relationnelles plus ou moins évanescentes qui ne s'inscrivent pas ou s'inscrivent d'une manière intermittente et problématique dans les "institutions" reconnues, et qui placent les sujets qui les vivent en situation, le sentiment d'appartenance et le processus identitaire fragilisé par la perte d'emploi 469, vol.470

, Mais en soi, ça ne m'intéressait pas. L'aspect social, à la base. Le fait d'être en contact avec des gens, c'est pas naturel pour moi. Je suis dans une démarche, j'ai cherché à m'affranchir de toute appartenance à un groupe quelconque, Et puis pour continuer l'entraînement, au fait d'être en contact avec un groupe, je suis allé au forum territorial

. C'était-un-challenge.-c', était déjà cette démarche que j'avais commencé en allant au forum territorial une fois par mois. Quand j'ai commencé aux jardins, j'ai vraiment essayé d'être dans cette dynamique de groupe. Par exemple, les deux premiers mois, je suis allé au repas collectif. Et à la fin de ce temps, je ne me reconnaissais tellement pas dans la majorité des gens, et ça me drainait énormément. Je me suis isolé. » Cela ne suffit donc pas à rétablir la protection rapprochée nécessaire. Car s'il ne s'agit plus d'une absence totale de liens

«. Puis, Je suis passé d'humaniste désenchanté à réapprécier le contact avec les personnes. Je me suis acclimaté, entraîné, ne serait-ce que porter des masques à plus longs termes. Là, c'est le contact toute la journée et ça se répète la semaine d'après

. Et, réfléchir à ce qu'on aime, faire des simulations d'entretien, réapprendre à se présenter

S. Ebersold, La naissance de l'inemployable ou l'insertion aux risques de l'exclusion, op. cit., p 23. 470 R., Castel, Les métamorphoses de la question sociale, p.701

. Ibid, , p.673

. Idem, Car dans de telles conditions

. France, il faut reconnaître qu'il n'est pas aisé de se positionner, « de parler en son nom propre, même pour dire non, vol.473

. Vanda-l'explique-très-bien-:-«-oui, Je suis encore beaucoup trop dans le « il faut ». J'aimerais bien être moins dans le sens du devoir. Je sais pas d'où ça vient. ». Pareil pour Myriem, « Je suis allée au forum exprès avec cette problématique : « faire des choix avec la distinction de ce qui est de l'acceptation / résignation. » Depuis deux mille quatorze, Pierre fait le choix de ses accompagnements, d'abord dans le cadre du RSA par le « parcours renforcé », plus soutenu, mais aussi par une adhésion depuis deux mille dix-sept, à un accompagnement non-obligatoire, plus informel, qui non seulement autorise des espaces de parole significatif du processus de réaffiliation

P. Le, Comme faire des démarches, c'est contre-nature, J'ai souhaité que [la conseillère] continue sur l'accompagnement, pour entre guillemets, même si c'est pas super formel, il y a des échéances. Ça me contraint. Ça me force. Même si j'ai pas la volonté d'avancer. Des fois, je me dis et c'est même la veille, « ah, il faut que je fasse quelque chose. Et elle aussi peut me donner de pistes. Autant la prospection en géologie, ça pourrait m'intéresser, autant la prospection nébuleuse travail, ça ne m'intéresse pas. Et puis il y a aussi son réseau avec des infos auxquelles je n'ai pas forcément accès. Mais le moteur, c'est vraiment avoir une sorte d'échéance. » Pour Alice, c'est le choix de se battre

. «-mon-avocate, Mon travail, je le connais. Ils ne pouvaient rien me dire. En plus j'avais fait HACCP. C'est pour tous les autres aussi. La fille d'avant et les précédentes aussi, Et après ils ont reconnu que j'avais raison

, Si cette démarche 474 contribue à restaurer son identité professionnelle, elle l'étend aussi à une reconnaissance symbolique plus large, aux autres précaires. Ce vécu résonne avec l'expérience de Nabil qui s'est interposé pour défendre le droit à la protection de son collègue intérimaire

. Globalement, est le refus des situations d'emploi, formel ou informel qui ne leur conviennent pas ou plus : ne plus travailler au noir (Fadil, Laurent, Clément), ne pas renouveler un contrat de travail (Vanda, Céline, Pierre, Karima), ne plus travailler dans un secteur d'activité (Jaffar) ou dans une organisation qui heurte les valeurs (Myriem, Vanda, 473 R., Castel, Les métamorphoses de la question sociale, vol.666, p.sq

, Démarches réalisées avec le soutien d'une avocate et du conseiller AFIPH ayant analysé le poste de travail et ses dysfonctionnements, puis sollicité l'entreprise utilisatrice qui n'avait pas répondu à ses sollicitations

. Fadil)-de-manière-globale, Elles prennent la forme de démissions (Vanda, Karima), de négociations formelles (rupture conventionnelle pour Jaffar) ou informelles dans le cadre de travail au noir, des interruptions de stage (Jaffar et Vanda) et surtout de non-renouvellement de CDD

. Qu, est-ce qui peut motiver à risquer à nouveau le chômage ? ou le non-emploi ? C'est la valeur qu'ils accordent au travail, qui se traduit par le refus. Celui de se soumettre à des rapports de subordination excessifs qui menacent leur intégrité

«. A. Est-très-À-l'écoute and L. Mais, Toi tout seul, je restais », je lui ai dit. J'aurais trouvé ça super intéressant. Non mais là, je fais pas des choses aberrantes. Je ne casse pas mon corps à faire des choses aberrantes. Et c'était vraiment ça. Car j'ai envie de garder mon corps. Je veux bien faire souffrir mon corps en maraîchage parce qu'on est en retard, Elle nous a fait arracher des planches de choux et ramasser des cailloux : elle a un broyeur

, Je dis pas, car j'arrive pas avec mes gros sabots. Je suis restée quand même 7 mois et ils souhaitaient que je reste, es trucs énormes, je me disais : bah, non. 10 ans d'expérience. Quand même

«. Moi and . Place, On sait faire qu'une seule chose. Mais vraiment qu'une seule chose. Un usineur, je prends cet exemple, pour l'avoir fait, soit il est sur sa machine, opérateur, soit il fait le dessin, soit il fait le programme. Mais personne qui fait les trois. C'est cloisonné. On est formé à faire que ça

, Ce n'est pas le nombre d'heures qui m'effraie. C'est ce côté renfermé, hyper cadré où tu n'es pas stimulé intellectuellement. [?] Ce que j'ai écarté, l'industrie. Je ne m'y reconnais pas. Le bruit. Les tâches et tous les impacts sur la société, l'environnement. C'est pas stimulant intellectuellement. Usinage fraisage, c'est vraiment le pis. On a une machine A et une machine B

. Toutefois,

». Vanda, . Jaffar, . Céline, . Pierre, . Clément et al., sa position sur le marché du travail 476 ». Ce qui se joue dans ce type de choix, c'est la dimension expressive, pour échapper à des situations d'intégration disqualifiante, vol.477

D. Demazière and M. Pignoni, Chômeurs, du silence à la révolte, p.31

. Ibid, , p.32

. Idem,

, Les entretiens révèlent que le choix de formes d'emploi atypique se propage, comme si elles constituaient déjà, au moins chez les populations vulnérables, une norme, déjà intériorisée, voire comme le suggèrent Stéphane Beaud et Liza Kerivel

, Pour Damien et Yvan, des CDDs qui leur permettent d'alterner des périodes travaillées, où ils bénéficient d'un salaire, d'une protection, d'une reconnaissance et des périodes indemnisées, où ils se consacrent à des projets personnels

P. Myriem, le choix de multiplier deux employeurs à temps partiel » et d'alterner deux activités complémentaires, production et vente. Et pour un certain nombre d'entre eux, le choix de l'insertion par l'activité économique, à un moment dans leur trajectoire

«. Si-on-s'oriente-sur and L. Jardins, hormis la situation géographique, c'est qu'a minima, on est attiré par la thématique de la nature ou le maraîchage. Mon choix de m'orienter dans les jardins, c'était ça, être en accord avec les valeurs ou le cadre, être en accord avec le chantier d'insertion, c'est ça qui va conditionner son implication, à quel point on le vit bien, quoi, Ça dépend de l'implication

, choisi les jardins exprès car je voulais le contact avec la nature. Mais je me retrouvais là-dedans

, Il distingue contrat juridique, protection formelle et contenu du travail et envisage, comme le souligne Maryse Bresson 479 , certains emplois atypiques comme des emplois de qualité. Isabelle Plond-Morand perçoit l'insertion par l'activité économique comme une mesure positive, une « nouvelle approche d'un espace de liberté, d'un sas anthropologique dans lequel chacun pourrait vivre avec les autres en réalisant à son niveau, une activité compatible avec ses moyens et sa volonté, variable dans le temps, et atteindre ainsi un développement personnel suffisant 480

«. Moi, était une super solution, une très bonne expérience [?] Pour les gens que j'ai rencontrés, dans un public très différent. Et ça c'était chouette. Je garde les miens. Pas tous, mais je garde les miens. Et parce que ça m'a permis d'enfin trouver après toutes ces années, ce que j'avais envie de faire

, L'insertion par l'activité économique répondrait « aux modifications de l'espace social 481

, « de la valeur temps 482 » et occasionnerait, des compétences économiques qui associent 478 S., Beaud et L., Kerivel, « Jeunes précaires dans un bassin d'emploi actif

M. Bresson and . Précarité,

I. Plond-morand and L. , employabilité: ambiguïtés d'un concept : le cas des entreprises d'insertion de Bourgogne et Franche-Comté, op. cit, vol.481, p.187

. Idem,

, travail et salaire, sociales (par la restauration des liens), politiques (engagement) et philosophiques

, On est en contact avec des gens. Ça m'a permis de m'y confronter. Et c'est un bon exercice. C'est un peu comme une désensibilisation, comme pour les allergies sur le volet social. J'ai finalement fait les deux extrêmes. Sur le côté plus concret, ça reste une étape, pour les personnes très éloignées comme moi à l'époque. Ça reste une expérience à mettre sur son CV. Pendant 2 ans, on s'est levé, « Oui par rapport à mon parcours, déjà j'ai repris contact avec la nature, me passionner et c'est pour ça que je peux m'investir professionnellement dans un nouveau projet

A. Minima, Mais a minima, c'est les contrats réalisés, vingt et un mois d'expérience, ça ré-ouvre des droits, derrière tu peux faire de la formation. A minima, y a quand même des choses, que ce soit juste précarisant pour les précarisants, non. Hormis pour des cas extrêmes et c'est la faute des personnes, même s'il peut y avoir des choses à sa décharge ou en cas d'abandon. Dans ce cas, pas de droits effectivement. Mais dans ce cas est-ce la faute de la structure ou de la personne ? Non, ce n'est pas la structure ou le type d'emploi qui est pénalisant. A un moment, on est libre de nos choix et on est libre de faire de mauvais choix

, Ce n'est pas une finalité. » Soit des marges de manoeuvre -si infimes soient-elles -existent, ou plus exactement les populations précaires s'en débrouillent, frôlent les limites des injonctions et des conventions, normatives et attendues des politiques publiques de l'emploi. Renvoyés à eux-mêmes, malmenés par des instances et institutions, les leviers qu'ils actionnent occasionnent parfois des des ruptures de trajectoire pour réparer des individualités cabossées et maintenir avec cohérence, des valeurs éthiques et un rapport au travail fort. Ils mobilisent d'autant plus ces marges de manoeuvre qu'ils parviennent à se réinscrire dans des réseaux d'échanges pour se réaffilier. C'est pourquoi Robert Castel insiste sur l' « ingéniosité, L'existences des SIAE et la démarche d'insertion ne peut pas être mauvaise, mais il faut la voir comme une étape

R. Castel, La montée des incertitudes, op. cit, p.441

, Conclusion Comment clore un sujet aussi vaste que le rapport au travail ? Les propos tout dernièrement, mi-septembre 2018, tenus par le Président Macron

F. , Et les plus souvent confrontées à devoir rechercher un autre emploi. Car le « travail [?] [comme l'écrit Robert Castel] est plus que le travail, et donc le non-travail est plus que le chômage 484 ». Pour répondre à notre problématique, le rapport au travail, qu'entretiennent les populations vulnérables, nous pouvons d'ors et déjà, poser des éléments issus de l'analyse. Le travail, au sens large est essentiel pour les individus interrogés. Le travail, c'est-à-dire, l'activité, prime sur la forme, l'emploi 485 . Les formes d'engagement et d'intégration mises en lumière dans la première partie l'attestent. Dans le champ de leur possible, limité certes, ils privilégient la satisfaction du travail, à la sécurité d'emploi. Car si le travail leur procure des ressources directs et indirectes, et des protections minimales dans le cadre de l'emploi, ils tiennent majoritairement à développer les deux dimensions, expressives et sociologiques : s'épanouir, développer et utiliser leurs compétences (cent-soixante-six occurrences verbales liées au plaisir au travail contre quarante renvoyant à la contrainte), et travailler au sein d'organisations qui favorisent la « sociabilité 486 », au sein de relations d'équipe et d'ambiance agréables (cent-soixante-dix-huit occurrences verbales recensées) où ils sont reconnus et valorisés, vouloir et pouvoir. Actualité d'autant plus significative, qu'elle touche le secteur d'activité des Jardins de la Solidarité, l'horticulture, p.623

, Par contre, difficile encore de faire la part des choses entre intériorisation des formes d'emploi atypiques, choix, appréhensions et résignation

. Terme-que-préfère-dominique and L. Méda, Mais leurs attentes légitimes les placent dans une situation inconfortable, où parallèlement, ils aspirent à réunir ces composantes et se confrontent à la « montée des incertitudes » entretenue par le précariat. Ils sont exposés de manière quasi-permanente aux risques de dégradation qui impactent concrètement (irrégularité des ressources et difficulté de projection dans le temps), mais aussi, et surtout, sur le plan symbolique. Dépossédés d'une position sociale 487 qu'assurait l'emploi typique, ils sont privés d'une reconnaissance et soumis à une identité fragmentée. C'est spécifiquement là où sourde la vulnérabilité, d'une dépendance de la reconnaissance d'autrui. Elle est produite par le contexte de l'évolution sociale, au croisement des parcours biographiques et des politiques publiques. Mais elles évitent bien des drames, comme le rappelle Robert Castel. Néanmoins, l'institutionnalisation d'emplois atypiques, favorisant et maintenant le précariat, d'autant plus dans des logiques d'intégration adaptative, le choix d'une gestion rationnelle du non-emploi disloquant et stigmatisant, et le traitement d'intervention sociale, focalisé sur les individus, correcteur et culpabilisant, renforcent les risques de déstabilisation, d'individualisation, de décollectivisation et de vulnérabilité. Ces risques sont issus d'une « construction sociale, vol.488

A. , S'ils sont démunis face à l'emploi, ils s'occupent et ils travaillent pourtant. Ils oeuvrent dans des environnements intégrateurs et épanouissants, et y développent l'autonomie dont les prive la précarité d'emploi. Mieux même, ils s'inscrivent « dans une volonté de bien-être social 489 », s'engagent dans la société, p.487

C. Taylor-;-i, . Astier, ». Protéger-autrement, and O. C. , La reconnaissance ne posait pas de problème lorsque l'identité de la personne était largement déterminée par sa position sociale. Le principe qui lui donnait sens ne tenait pas à ses activités ou aux rôles qui lui étaient dévolus, mais à la place qu'elle occupait dans la société. L'identité prenait appui sur des catégories sociales que tout le monde tenait pour acquises. La reconnaissance allait de soi. Le problème pour l'individu contemporain est qu'il doit construire son identité et qu'il ne dispose pas de reconnaissance a priori, Grandeur et misère de la modernité, 1992.

I. Plond-morand and L. , employabilité: ambiguïtés d'un concept : le cas des entreprises d'insertion de Bourgogne et Franche-Comté, op. cit, p.73

J. Isabelle-astier-cite, L. Laé, and . De-la-plainte, Descartes & Cie, pp.23-25, 1996.

, on peut conclure en explicitant la stabilité dans leur travail et l'instabilité d'emploi. Loin d'être « passifs et résignés, ayant perdu la volonté de conduire leur vie 491 », ils reconstruisent leur identité voire leur citoyenneté. Celleci répond à une double crise, où éthique et économique s'imbriquent, « celle des rapports sociaux centrés sur la place du travail et le chômage, et celle des rapports avec la nature marquée par la dégradation des écosystèmes 492 ». Ils se saisissent d'eux-mêmes et des espaces possibles, se débrouillent, utilisent leur pouvoir d'agir et de faire

. Combatifs,

, Les individus s'en échappent par d'autres formes de travail que l'emploi et changent le monde à leur échelle. Isabelle Plond-Morand, qui associe pratique professionnelle et recherche théorique, suggère de « redéfinir le rôle des acteurs et de l'entreprise à l'égard de l'emploi en mettant plus de relation de l'entreprise à la société, ce qui devient aussi un nouveau modèle économico-ethno-sociologique 494 ». Denis Olivennes va plus loin, estimant qu'il n'y a aucune « fatalité du chômage de masse ni d'impuissance obligée des pouvoirs publics en la matière ». C'est plutôt de l'ordre d'un profond bouleversement du système de redistribution. Pour lui, le maintien des deux records les plus élevés du Produit Intérieur Brut par habitant et du chômage en France est révélateur : « Cela veut dire que le coût du chômage nous paraît collectivement moins douloureux que celui de sa réduction avec ce qu'une réduction supposerait de transformations de nos habitudes fiscales et sociales, p.490

, La notion d'insertion désigne ce mode original d'intervention et se donne avec le contrat sa méthodologie : construire un projet qui engage l double responsabilité de l'allocataire et de la communauté, et doit déboucher sur la réinscription du bénéficiaire dans le régime commun », R., Castel, Les métamorphoses de la question sociale, « Il faut les aider à retrouver une place normale dans la société, p.696

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I. Plond-morand and L. , employabilité: ambiguïtés d'un concept : le cas des entreprises d'insertion de Bourgogne et Franche-Comté, op. cit, p.73

D. Demazière and M. Pignoni, qui envisagent une logique politique « dépolitisée 495 » du non-emploi, comme le « produit d'une crise économique globale, [?] le résultat de transformations de l'appareil productif, bref comme un fléau dont on ne peut qu'atténuer les conséquences. Ces interventions correctrices accréditent l'idée que la seule solution est de gérer ses effets

, Autrement dit, le problème du chômage n'est pas inscrit dans un registre politique, vol.496

L. Qu, ils formulent, c'est aussi le maintien paradoxal du chômage et de la précarité pour étouffer l'angoisse collective du chômage 497 , pour se garder d'affecter tout un pan de la population

, Ce travail ne tient pas compte de la disparité des modalités d'intervention sociale du service public de l'emploi, incarné par le Pôle Emploi (huit situations), les services d'accompagnement territoriaux et associatifs (deux occurrences). -Par ailleurs, par choix de cadrage essentiellement, cette recherche s'est centrée sur le point de vue des individus vulnérables, et n'a pas considéré celui des professionnels de l'emploi. Elle occulte leur pratique et leur ouverture éventuelle au rapport au travail autre que l'emploi. -Les entretiens réalisés en juillet, au travers de grilles théoriques sociologiques classiques (emploi, chômage et travail) ont éludé les classifications philosophiques que nous avons découvertes et utilisées plus tard, au service des enquêtes. De fait, nous n'avons pas abordé aussi finement les loisirs (voyages, sport?) ou encore démêler ce qui relève de l'oeuvre, A ce niveau d'analyse, nous dénombrons déjà six limites qui réduisent le travail de recherche : -L'échantillonnage, s'il est représentatif de la population accueillie aux jardins, ne touche peut-être que les moins vulnérables des vulnérables, écartant vraisemblablement les invisibles et injoignables, les désaffiliés, les moins stables, les plus précaires

D. Demazière, M. Pignoni, and . Chômeurs, , vol.53, p.sq

. Idem,

. Ibid, , vol.45, p.sq

, En effet, comment présupposer que les sensibilisations, transmissions, initiations, réflexions aient déjà donné lieu à de nouvelles pratiques chez d'autres ? ou qu'elles se soient limitées à une prise de conscience, à d'autres réflexions ? D'où découlerait la distinction entre matérialité pour le premier cas, et immatérialité, pour le second, selon Annah Arendt, c'est-à-dire

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, Annexe 2 : Légende des frises

L. Poste, ouvrier en espaces verts correspond à une triple activité : production en pépinière, horticulture et entretien d'espaces verts

, Le poste ouvrier en maraîchage correspond à la production maraîchère en agriculture biologique

, Le poste animateur réseau correspond à agent administratif polyvalent (relation clientèle, petit secrétariat

, Questionnaire d'enquête Question initiale : De quoi est fait ta vie actuellement ? Questions de relance : Est-ce qu'il y a des choses qui manquent ? Des choses qui te plaisent plus que d'autre ? Moins que d'autre ? Des choses stables ? Des choses moins stables ?, Annexe, vol.4

. Qu, aimerais-tu transmettre à ton enfant ? Aimerais-tu qu'il connaisse la même trajectoire ? C'est quoi pour toi, la différence entre travail / emploi ? Travailler, ça sert à quoi ?