. Dieu, Ce discours nous apprend que le silence d'Abraham n'est pas seulement le contraire de la parole, mais plutôt le synonyme d'une faculté, celle d'écouter. Ecouter, ce n'est pas simplement entendre

, authenticité de la tâche éthique que lorsqu'il est désigné, c'est-à-dire non pas lorsqu'il dit « je », mais lorsque l'éternité s'adresse à lui en disant « tu ». C'est ainsi qu'il aime vraiment, lorsqu'il ne dit pas « moi ? je » mais au contraire, lorsqu'il écoute. Cependant, comment comprendre que l'accomplissement de « soi » ait à voir avec le fait d'aimer vraiment ? Dois-je en conclure que c'est uniquement lorsque je donne que je peux exister réellement ? Pour Kierkegaard, seul l'amour chrétien rend possible la réalisation de la tâche éthique

B. Soi, Si la subjectivité éthique est en faillite, si le « soi » ne peut être conservé qu'en étant désigné, c'est aussi de cette manière qu'il est édifié

S. Kierkegaard, OEuvres Complètes XVI. Six discours, trad. par Paul-Henri Tisseau et Else-Marie Jacquet Tisseau, p.299, 1971.

. Cf,

S. Kierkegaard and O. Xvi, , p.299

. Qu, est-ce qui différencie les deux ? Il s'agit de l'amour, que nous observons auprès en soit rien d'édifiant. Pourtant, si nous regardons un enfant dormir auprès de sa mère, nous sommes édifiés

, Concernant le sens transposé du terme, cette base est tout simplement l'amour. Ce que l'homme doit ensuite élever ? construire en hauteur ? c'est encore l'oeuvre de l'amour. Par ailleurs, comment se déroule l'édification pour l'individu ? Lorsqu'il écoute le « tu dois aimer », il est en présence de l'amour. En aimant son prochain, il suppose que celui-ci a également entendu le commandement et qu'il porte aussi l'amour en lui. Par conséquent, en aimant, j'édifie et je suis édifié. Il est alors important que je sois un « tu » et non un « je ». En effet, si je suis « je » et l'autre « tu », je me mets de nouveau au premier plan et je ne vois pas l'altérité comme égalité. Il y a seulement « moi » et « l'autre que moi ». Pour que l'amour soit édifiant, il faut que la relation soit entre deux « tu », relié entre eux par un tiers, qui n'est autre que l'amour lui-même, à partir duquel je peux être « tu, p.186

S. Kierkegaard and O. Xiv, , p.198

U. Ingolf, . Dalferth, D. Berlin, and . Gruyter, Nous proposons notre traduction : « Si le prochain n'est pas l'autre soi mais l'autre tu, cela implique ensuite que celui qui aime se rapporte à ''l'autre tu'' comme un tu et non comme un je : une relation d'amour authentique n'est pas une relation-je-tu d'un soi se rapportant à un autre soi mais plutôt une relation-tu-tu de deux soi, les deux étant un « tu ». Mais ils ne peuvent pas être tu dans une relation réciproque de je-à-tu mais seulement respectivement à un tiers à partir duquel ils sont tous deux tu, Selfless Passion: Kierkegaard on True Love », Kierkegaard Studies Yearbook, vol.1, p.174

, En aucun cas, celui-ci ne peut être inculqué. Jamie Ferreira, commentant ce passage sur l'édification, explique que prétendre enseigner l'amour à autrui, c'est vouloir prendre le contrôle de ce dernier, le soumettre à notre mesure

, Je vois l'amour surgir en lui, celui que j'ai supposé, et celui que je lui porte. Devant ce spectacle, je suis moimême édifié. Ainsi, l'édification ne peut jamais être une pédagogie, car l'amour ne s'enseigne pas, il se voit. A travers ses oeuvres, nous reconnaissons l'amour. En outre, de même que les témoins de l'éthique ne doivent pas communiquer directement sur l'amour pour en faire un savoir, l'éthique de l'amour ne peut jamais être l'objet d'un discours magistral supposé instructif. D'un côté, il est question de témoigner, et le témoignage est toujours un rapport entre deux individus singuliers et authentiques

, Je ne suis pas habilité à édifier autrui, et pourtant je le peux, précisément en n'agissant pas, en demeurant caché et en supposant simplement l'amour en lui. Ce faisant, l'autre est édifié par l'amour que je fais surgir parce que je l'ai supposé

J. Toutefois and . Ne, dois jamais m'en féliciter car je n'ai rien eu à faire pour autrui. C'est cela faire oeuvre d'amour et être édifié, c'est s'humilier suffisamment pour ne pas avoir le dessus sur l'autre, c'est voir l'amour en lui et l'aimer

M. Platon and . Par-monique-canto-sperber, 125 : « Peux-tu me dire, Socrate, si la vertu s'enseigne ?, 1993.

M. and J. Ferreira, Love's Grateful Striving. A Commentary on Kierkegaard's Works of Love, pp.141-142, 2001.

, Peter Kemp fait référence à l'opposition entre témoignage et enseignement dans le cadre du conflit qui a opposé Kierkegaard à l'évêque Martensen, ce dernier ayant confondu le témoin de la vérité avec de faux précepteurs de l'Eglise. Voir « Éthique et langage : de Levinas à Kierkegaard », Les Cahiers de Philosophie, op. cit., p. 190. même la plus banale, il y a édification

. Kierkegaard, ». Tu, and . Tu, Par conséquent, si le terme « édifier » comporte un sens usuel et un sens transposé dans le langage de l'esprit, il se peut que l'individu soit lui aussi touché par une transposition

, qui s'était pourtant avoué incapable d'écrire un jour avec son propre « je ». Quel « je » se permet-il de coucher sur le papier ? Emmanuel Housset nous apporte peut-être une réponse : La vérité ne pourra plus être comprise comme étant relative à l'intériorité humaine, mais elle possédera un caractère essentiel d'altérité par lequel le je transcendantal sera destitué de sa toute puissance pour devenir plus humblement le « témoin de la vérité » qu'il a à être, Cependant, nous pouvons observer que les OEuvres de l'amour sont écrites par un « je », celui de Kierkegaard

M. Buber, . Je, . Tu, . Bianquis, and A. Paris, point de vue de l'amour, aux yeux de qui je suis un « tu » toujours en relation, puisque l'amour est par principe, relation entre deux êtres. De ce fait, le « tu » n'est rien d'autre que la transposition du « je, p.30, 1969.

, Or, partout où l'amour est présent, il y a édification. Ainsi, en étant désigné, je peux entendre le commandement d'aimer et dès lors qu'il m'est adressé

C. E. De-la and . Subjectivite, LES CONDITIONS D'EMERGENCE DU SUJET Dans ces dernières pages

. Le-«-soi-»-est-comme-une-instance-négative, Encore au stade esthétique, l'individu ignore cette exigence. Nous parlions alors d'un « moi » plutôt que d'un « soi », pour représenter l'être qui plane toujours au-dessus de sa propre subjectivité. Il est un « soi » en puissance, que la nature a posé comme tel, mais qui demeure aveugle à toute possibilité d'émergence. Quand il fait le choix de soi, il choisit précisément d'être soi, c'est-à-dire d'être 'on est, c'est actualiser son être véritable. Pourtant, ce « soi » n'est toujours pas luimême quand il se choisit. En effet, être ce qu'il est censé être et que pourtant il n'est pas

. De-fait, . Le-choix-de-soi-n'est, and . Qu, Se choisir soi-même, devenir moi-même. Cependant, choisir sa tâche, c'est déjà consolider le « soi ». En revanche, consolider n'est rien d'autre qu'une volonté de se rendre soi-même plus stable, plus solide et plus durable

. En-consolidant-le-«-soi-»-que-je-choisis, Accompagné de la volonté d'être « soi », je me retrouve face à la tâche éthique. Alors que je me suis choisi, celle-ci me dit que je dois devenir moi-même. Pour l'exprimer autrement, l'éthique me dit que je ne suis pas encore ce que je suis. Le sujet faillit devant cette immense contradiction de l'éthique : je choisis d'entrer dans l'éthique et d'être enfin moi-même et celle-ci me répond que je dois devenir moi-même

. Qu, Ou bien il demeure dans l'éthique en tant que sujet en faillite, ou bien il rompt avec l'éthique et pèche vis-à-vis d'elle. Dans les deux cas, l'individu vit dans l'angoisse, car il se sait en mauvaise posture quoiqu'il arrive. L'éthique a été claire : il doit devenir lui-même ; or, s'il exprime le général, il n'est jamais véritablement lui-même, mais « l'homme général ». S'il sort de l'éthique, il devient un Individu singulier, parce qu'il affirme être lui-même et personne d'autre, mais aussi parce qu'il s'exclut de toute relation humaine. Pourtant, qu'est un Individu singulier sinon un être en train de devenir lui-même ? En conclusion, l'éthique se dépasse elle-même car elle demande à l'individu qui la rencontre de s'en extraire aussitôt

&. Qu and . Consolidé, Se consolider dans l'éthique, c'est affirmer le « soi » que l'on a à être

C. , Partant de la confirmation qu'il doit devenir le « soi » éthique qu'il prétend être, il doit y avoir une continuation, à la fois du « soi » et de l'éthique. Qu'est-ce que signifie le fait de devoir continuer ? Il est question de prolonger, de donner suite à soi-même. Le « soi

, Issu de sa propre destitution, il continue dans la reprise que constitue l'éthique de l'amour

, donner suite à quelque chose, c'est supposer qu'elle dispose d'un passé, d'un présent et d'un avenir, ce vers quoi la continuation se tourne. Parler d'une continuation du « soi », c'est donc envisager toute l'étendue de l'existence. Or, de la temporalité, n'allons-nous pas vers l'éternité ? Si le « soi » doit continuer, chemine-t-il vers une fin déterminée, ou est-il repris infiniment ? Rappelons que dans le choix éthique de soi, la personnalité est consolidée en s'affirmant dans l

, Dominic Desroches se penche sur la question de la continuité dans l'oeuvre de

. Kierkegaard, Il écrit : Pour lui [Kierkegaard], le divin en l'homme ne réside pas dans la pensée pure, mais dans l'effort qui consiste à imprégner à la vie l'unique continuité humaine possible : l'appropriation éthique de soi. S'il faut arriver à la continuité dans l'existence, c'est parce que l'on n'arrive à se reconnaître soi-même qu'en vertu de la continuité de son action. De même que la faillite de la raison pure à connaître au-delà de l'expérience ouvre la voie à la raison pratique chez Kant, l'impossibilité qu'a l'homme de pouvoir penser l'éternité ouvre la voie à la continuité éthique

D. Desroches, Expressions éthiques de l'intériorité. Ethique et distance dans la pensée de Kierkegaard, op. cit, p.84

. L'homme-rencontre-le-divin-dans-le-fait-d'être and . Actif,

«. Le and . Soi, ne peut pas rompre avec la continuité, sinon, il est incapable de donner sens à son la métaphysique : Dieu, l'âme et la liberté. Or, elle ne parvient jamais à s'accorder sur ces objets. Sa seule issue est dans le domaine de la morale

, Depuis la perspective de Kierkegaard, qui n'évoque pas de raison pure ou pratique, l'homme est tiraillé entre la pensée de l'éternité et sa finitude

F. De-ce, Elle est la 'on est et ainsi, rester dans la négativité. Pas de « soi » définitif, mais un « soi » en construction, tel un bâtiment que l'on édifie

L. «-je-deviens-»-est-la-nouvelle-façon-de-concevoir and . Subjectivité, L'ego ne peut être que destitué, il n'y a plus de « je pense donc je suis » ou du moins, il pourrait en rester un « je pense, donc je deviens ». François Bousquet montre également que la notion de « devenirsujet » implique un mouvement infini, une continuation éternelle du « soi » qui n'a pas de point final : Pour lui [Kierkegaard] le sujet n'est pas le tout « devenu », dont la nécessité se saisit au terme du processus. Le sujet est chaque existant, l'individu en ce qu'il a d'unique, de singulier

B. Selon-françois, Kierkegaard se distingue définitivement de la dialectique hégélienne, cette dernière postulant un terme au devenir, une issue qui marque la fin d'un processus. Le sujet kierkegaardien n'est pas le produit fini, mais celui dont la transformation est en cours, continuellement, infiniment. Le devenir doit donc se comprendre à la fois dans son instantanéité ? je suis en train de devenir moi-même ? et dans son infinité ? je dois toujours être en train de devenir moi-même. De plus, cet « intérêt infini pour l'existence » est tourné vers l'avenir. Je ne suis pas devant moi ; c'est plutôt le « soi » qui est devant moi

, Nous avons suivi le « soi » jusqu'à sa destitution, à la recherche 'amour ? Pourquoi suis-je toujours désigné et jamais désignateur ? Pour le comprendre, il nous faut revenir sur la valeur édifiante de l'amour. En faisant du « je » un « tu », l'amour sauve la subjectivité en faillite. En effet, un « je » qui s'exprime est toujours dans le général et ne peut advenir comme singulier qu'en étant dans le paradoxe, paradoxe qu'il le fait apparaître pécheur aux yeux de l'éthique s'il affirme son individualité, et destitué s'il ne devient pas « soi », c'est-à-dire individu singulier. De part et d'autre, le sujet faillit toujours et finit par devenir silencieux, Cependant, cette conception du « soi » appartenant à un mouvement de devenir infini peut nous paraître décevante

, Nous conclurons que la philosophie de Kierkegaard est une philosophie du devenir

. Posant-la-tâche-Éthique-de-devenir-soi, individu le centre de ses préoccupations. 'amour. L'individu est édifié et c'est comme « tu » qu'il s'accomplit. Si je dis « je », je clôture le « devenir soi ». En disant « je », je montre au monde une image figée de moi-même, un « je suis » que l'on considérera comme définitif. En revanche, le « tu » me désigne et me permet de continuer ma quête

, cela signifie s'exprimer soi-même tout en exprimant le général, c'est-à-dire le monde de l'éthique. Dans une telle sphère d'existence, mon devoir est avant tout de me rendre visible, d'être moi-même devant les autres. Cependant, exprimer le général est aussi l'occasion de se choisir soi-même soi » toute l'extériorité dont je dépends. Ainsi, lorsque je dis « je », je n'exprime pas seulement le général, j'exprime aussi les fardeaux d'une histoire collective, Que se passe-t-il réellement lorsque je dis « je » ? Pour Søren Kierkegaard

, Entré dans l'éthique, je découvre une tâche : celle de devenir moi-même, d'être le sujet de ma propre existence

, L'éthique se fragilise car de l'expression de la subjectivité consolidée qui n'est qu'une tentative par l'écriture de poser un « je », elle se transforme en repentir, seule manière pour l'individu de rester dans le général. Autrement, il s'en retire, mais alors il ne peut plus dire « je ». Pire encore, il ne peut simplement plus parler. Sortir de l'éthique est irrémédiablement nier l'expression de soi. Pourtant, c'est de cette façon uniquement que l'individu se singularise, parce que d'une part il est seul, Dès lors, je me rends coupable d'être ce que je suis : un individu du général qui porte aussi le péché

, Suis-je devenu authentique en suspendant l'éthique ? Cette possibilité est d'emblée exclue, car devenir soi-même est la tâche de l'éthique. Sa réalisation ne peut se faire en dehors d'elle-même. Dois-je alors retourner dans l'éthique, exprimer de nouveau le général et me repentir ? Cette alternative n'est pas envisageable car elle nous plongerait dans une boucle sans fin et rendrait la pensée existentielle stérile

, En étant second, je me rends soucieux des oeuvres de l'amour. Or, en toutes choses, dès que nous pouvons y observer l'amour, nous sommes édifiés. Ne plus être « je » devient essentiel car l'authenticité de l'existence passe par l'édification. J'y découvre une nouvelle conception de la subjectivité. S'accomplir soi-même, c'est répondre à une tâche que je ne peux appréhender uniquement dans la rencontre avec l'infini dont je recèle. Cette tâche demande de « devenir », c'est-à-dire de faire un effort perpétuel pour être moi-même. Par conséquent, « être soi » est toujours une détermination négative. Etre soi, c'est recevoir la tâche de le devenir, Abraham écoute la seule voix désormais audible : la parole divine qui demande d'aimer audelà du devoir institué, du désir naturel et de la présence réelle. Le silence du « je » devient alors la possibilité de se rendre attentif à l'autre

. En-définitive, . De-kierkegaard-vise-À-redéfinir-la-subjectivité-Éthique, and . Le, Etre sujet à la deuxième personne est à mon avantage, car j'entre véritablement en relation avec mon prochain, qui m'apparaît comme un égal. Seul l'amour peut s'adresser à moi de la sorte. Devant lui, je suis édifié, et l'être dépouillé de son ego l'est aussi du péché. C'est alors que je suis authentique. S'accomplir dans l'existence est bel et bien rendu possible par l'éthique, mais une éthique conforme à la tâche qu'elle propose : devenir soi-même. Cette éthique est celle de l'amour chrétien. De l'expression à la destitution du « je », je me retrouve moi-même lorsque la subjectivité est reprise dans l'acte d'aimer. C'

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