L'étude de l'impact de l'art américain en France dans le contexte de la guerre froide nous permet de comprendre l'œuvre de Johns à travers ses influences européennes et de dresser un portrait critique de la scène artistique parisienne des années 1960. Une étude exhaustive a été faite de toutes les présentations publiques de l'œuvre de Johns en France et en Europe, qui confirme l'introduction planifiée à l’après-guerre de de l'art américain en Europe et le rôle décisif des galeristes Leo Castelli et Ileana Sonnabend. Parallèlement à la revue critique de la littérature accessible sur l'œuvre de Johns, de nombreux entretiens ont été menés avec les artistes français qui exposaient le plus dans les années 1960, et qui étaient fort considérés dans les années 1990 (BMPT, Nouveaux Réalistes, Figuration Narrative, fluxus, Support/Surface, etc.) ; avec les principaux critiques et organisateurs d'expositions de l’époque ; et avec les premiers collectionneurs d'art contemporain. L'analyse de ces sources a établi, d'une part, l'idéologisation du milieu artistique qui a embrassé ou rejeté l'art américain en fonction de l’appartenance politique de chacun, et, d'autre part, la double tutelle du surréaliste belge René Magritte et du dadaïste français Marcel Duchamp dans les premières œuvres de Johns (1954-1970). Cet héritage réflexif et antinarratif, ajouté à l'influence du théoricien Ludwig Wittgenstein, établit la pertinence conceptuelle du peintre davantage fameux aux États-Unis qu’en France. Les luttes idéologiques qui ont divisé la France et les États-Unis dans les années 1960 et la controverse toujours en vigueur entre peinture et art conceptuel auraient grande part dans cet oubli français du peintre étatsunien.