Les sapeurs-pompiers de l’Isère bénéficient pour leur formation, depuis 2021, d’un simulateur multi-volumes regroupant une dizaine de conteneurs maritimes permettant de réaliser des exercices comme la progression en conditions réelles, la reconnaissance en milieu enfumé, le sauvetage de victime et l’extinction de foyer. Une évaluation des expositions professionnelles aux produits de combustion est par conséquent rendue nécessaire afin de vérifier la maîtrise des risques pour leur santé et l’efficacité des tenues de protection utilisées. L’objectif principal de cette étude est d’évaluer le niveau de contamination interne au benzène et aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) d’une population de formateurs, au travers d’analyses vidéo des pratiques professionnelles visant à mieux analyser les déterminants significatifs de l’exposition, de métrologies d’ambiances, de prélèvements surfaciques cutanés, et d’indicateurs biologiques urinaires d’exposition. L’objectif secondaire est d’identifier les déterminants de l’exposition et d’émettre si nécessaire des recommandations de mesures de prévention et protection. Une étude observationnelle a été réalisée d’avril à juillet 2023 sur une population de 22 sujets (21 pompiers formateurs incendies et une logisticienne), tous affectés en structure de feu contrôlé. Une analyse vidéo des pratiques professionnelles a été systématiquement réalisée avec le logiciel Captiv. Des prélèvements d’ambiance d’HAP (particulaires et gazeux) et de particules fines (PM1, PM2.5, PM10) ont été réalisés en parallèle afin de caractériser les aérosols de fumées de combustion. Des prélèvements de surface cutanés (lingettes) ont également été recueillis afin de mesurer les quantités d’HAP retrouvées au niveau du visage et du cou, ainsi que des mains. L’exposition interne a été mesurée par l’analyse urinaire des métabolites des HAP (1-hydroxypyrène, du 3-hydroxy Benzo(a)Pyrène, 2 et 3-hydroxyfluorène et du 2 et 3-hydroxyphénanthrène) et du benzène (acide S-phényl mercapturique). L’analyse vidéo a permis de mettre en évidence la diversité des pratiques professionnelles (déshabillage de la tenue de feu, nettoyage du matériel, port d’EPI à l’extérieur des conteneurs). Les prélèvements d’air ambiants mettent en évidence des concentrations importantes de particules fines (PM10), dominées par des particules de petite taille (PM2.5 voire PM1). Les HAP sont également retrouvés en concentrations importantes dans l’air autour des conteneurs. Au niveau biologique, alors que les expositions au benzène sont très faibles, celles aux HAP dépassent les seuils maximums recommandés en milieu professionnel chez 9 des 22 sujets étudiés (en particulier chez les OTR et pilotes), ainsi qu’une absorption cutanée importante. Les prélèvements cutanés par lingettes retrouvent des quantités d’HAP plus importantes chez les deux mêmes catégories d’agents, et une corrélation significative entre les quantités d’HAP mesurés sur la peau (au niveau du visage et du cou) et les concentrations urinaires de certains métabolites des HAP. Le port de gants en nitrile est associé à des quantités significativement plus faibles d’HAP sur les mains en comparaison des autres types de gants (latex, vinyle) ou de l’absence de gants. La prise de douche ou le changement de tenue vestimentaire à midi ne sont pas associés à des concentrations biologiques plus faibles en fin de journée. Ce travail a donc permis de mettre en évidence une surexposition aux fumées de combustion, notamment HAP, chez une partie de cette population, et la nécessité d’agir sur plusieurs axes pour limiter les risques (tenue de travail, EPI, hygiène, éloignement des zones de repos, limitation de la durée de présence dans les conteneurs, protocoliser les décontaminations de matériels, vérification de l’efficacité des tenues vis-à-vis des particules fines et ultrafines). La prise en compte de ces résultats dans l’adaptation de la surveillance médicale de cette population apparait importante.