Si le rire et l'humour ont été abondamment traités par la biologie et la psychologie, ils semblent avoir été laissés pour compte par l'anthropologie. Faute de donnée ethnographique et jusqu'à l'émergence d'une anthropologie des émotions, le rire n'a été étudié qu'à travers des approches naturalistes, passant dès lors sous silence son caractère social et culturel. Pourtant, il n'y a pas d'émotions naturelles, toutes les expressions du corps font partie intégrante de la symbolique sociale, appartiennent au répertoire culturel d'un groupe. Le rire et l'humour, plus que le propre de l'homme, sont ainsi davantage le propre d'une société. C'est pourquoi il semble parfois si difficile de comprendre l'humour de cet autre qui ne partage pas la même culture que moi. Dans la mesure où le rire et l'humour transmettent les normes d'une société, ils permettent de maintenir et renforcer les frontières sociales et les identités de groupe. En ce sens, ils jouent un rôle essentiel dans le processus de socialisation. Mais si l'humour participe à la formation des identités de groupes, il possède un rôle essentiel dans la création de l'identité individuelle. À une échelle individuelle, l'humour permet aussi de situer l'individu dans l'espace et dans le temps, de déterminer la place, le rôle, le statut qu'il possède dans la société dans laquelle il vit. Dès lors, le rire et l'humour participent tout autant au processus de socialisation qu'au processus d'individuation et ils sont donc des facteurs de construction des identités collectives et individuelles.