L'artiste autrichienne Maria Lassnig est peu connue dans l'histoire de l'art du XXe siècle en France. Pourtant, son parcours artistique l'a conduit à deux reprises à Paris. D'abord au début des années 1950 lors de deux (voire trois) voyages, puis de 1961 à 1968, pendant les sept années de son installation dans la capitale. Si les historiens de l'art s'accordent sur l'importance de ces deux moments, à ce jour aucun ne s'est appliqué à démontrer dans quelle mesure il s'agit véritablement d'une période charnière, qui confirme tous les fondements et toute la singularité de cette artiste. Son objet d'étude artistique, qui devient l'obsession de toute une vie, est en effet pour le moins original: depuis la fin des années 1940, Lassnig se penche sur la question de savoir ce qui se passe à l'intérieur de son corps, de détecter les sensations corporelles physiologiques qu'elle abrite. Or, comment représenter un picotement, une sensation de tension, de brûlure, d'enflement? Les expériences parisiennes permettent à Lassnig de développer un langage formel singulier, le seul à même de subvenir aux besoins de sa recherche artistique. En effet, au début des années 1950, son séjour à Paris marque un moment fort dans sa vie : encore imprégnée du surréalisme qu'elle vient de découvrir dans une Autriche qui s'ouvre lentement au monde après la Guerre, elle subit à Paris le choc de l'art informel. C'est cette confrontation avec le non figuratif qui lui permet de trouver les premières formulations artistiques axées sur la transposition de la simple forme corporelle sur la toile ou le papier, ses médiums de prédilection. Pour l'instant, elle a encore besoin de se reposer sur les « -ismes », les divers courants de l'histoire de l'art pour développer sa recherche. Mais elle ne tarde pas à s'affranchir de ces influences : la quasi décennie à Paris dans les années 1960 lui fournit toutes les impulsions pour « dépasser l'histoire de l'art » et trouver son expression artistique propre, en adéquation avec sa recherche sur les sensations corporelles. Par ailleurs, notre recherche s'attèle à mettre en exergue comment sa personnalité et sa conscience artistique se développent dans cet environnement parisien. L'objectif de cette étude est donc double. D'une part, établir une micro archéologie de la vie de Maria Lassnig à Paris. D'autre part, de démontrer dans quelle mesure ces expériences parisiennes sont un jalon dans la vie de cette artiste singulière.