Depuis quelques années, on ne voit plus qu’elles : une poignée d’égéries se partagent les contrats publicitaires avec les Maisons de luxe. Après les années 1990 et le monopole de quelques top-models, voici que désormais des personnalités du cinéma se partagent les contrats publicitaires des marques de luxe. Cette poignée d’égéries, de notoriété internationale, est la clé de voûte d’une stratégie de mise en scène orchestrée par l’industrie du luxe visant à donner à voir le succès de ces personnalités au travers du prisme du luxe et de l’ascension sociale.
Ce constat prend racine dans plusieurs réalités propres à des stratégies savamment étudiées par les départements marketing de ces Maisons de Luxe à la recherche d’une industrialisation intensive d’un luxe à valeur identitaire. En effet le corps est tout le cœur de cette réalité puisqu’il est, dans sa définition inspirée des travaux de Merleau-Ponty, l’unité composée irrémédiablement de l’âme et du corps à la fois sur lequel les consommateurs vont ériger un fétichisme identitaire ; dans notre cas le corps de la femme.
Le corps de la femme est un corps symbole d’improductivité ennoblissante dans le sens où il s’agit d’un marqueur de qualité bourgeoise hérité du passé et de la naissance de la classe de loisir où le corps féminin vient témoigner, comme un trophée, de la réussite sociale du mari. Puis il est question de réfléchir autour des égéries mainstream, donc populaires, érigées en idéal de réussite sociale, c’est-à-dire d’embourgeoisement. Ce phénomène social est rendu possible par la loi immanente et presque coercitive sur les hommes : la méritocratie, descendante légitime de la démocratie occidentale contemporaine.
Le corps des femmes est alors le lieu de toutes les rencontres sociales et de tous les fantasmes fétichistes autour de la construction ou reconstruction identitaire. Les femmes présentées par les marques de luxe se caractérisent par une tendance vers un travail du corps androgyne comme pour davantage se rapprocher du modèle identitaire en place que serait le corps masculin, dominateur et puissant, et ainsi se sentir physiquement plus proche d’un pouvoir et surtout se positionner non plus en inférieure mais en égale.
On peut ainsi appréhender les codes appropriés, réinterprétés et industrialisés de la « femme bourgeoise » par l’industrie du luxe qui souhaite alors vendre l’illusion matérielle, à la fois d’une émancipation féminine et d’une réelle prise de pouvoir grâce au pouvoir des imaginaires collectifs autour du mythe de la « femme bourgeoise ».