Ce travail montre les rapports de force qui sous-tendent les commissions d’enquête menées au Nyassaland en 1929 dans le district du North Nyasa et en 1946-7 dans le haut plateau de la Shire. Les rapports de ces deux enquêtes mobilisent le même vocabulaire et le même type d’action publique : le gouvernement doit convertir certaines terres tenues en propriété privée en native trust land ou en native reserve. Dans ces documents, l’objectif de développement économique, social et territorial, vu comme nécessairement encadré par des Européens, et la confusion de la question foncière avec la question agraire, sont emprunts de colonialisme. Ces enquêtes ont un impact plus ou moins limité selon les jeux d’acteurs impliqués dans la mise en application des recommandations des enquêteurs ainsi que des intérêts des uns et des autres. Ainsi, en 1936, le gouvernement parvient effectivement à convertir la plupart des terres revendiquées par les populations locales en native trust lands dans le district du North Nyasa, périphérique : la British South Africa Company ne garde que ses droits sur le sous-sol. Au contraire, en 1947-8, le gouvernement ne rachète qu’une partie infime des terres revendiquées par les populations locales dans le haut plateau de la Shire, où règne un climat de rébellion anti-coloniale. Obligé de composer avec les différentes compagnies britanniques qui accaparent le conseil législatif, le gouvernement ne peut accéder aux demandes de Sidney Abrahams mais ne peut pas non plus refuser en bloc les exigences du ministère des colonies. On aperçoit ainsi, dans les deux cas, l’agencéité des populations locales auprès desquelles le gouvernement doit sembler légitime, et la pression de puissants acteurs économiques sur le gouvernement du Nyassaland qui est comme pris en étau.