Ce mémoire s’est d’abord attaché à étudier l’opposition fondamentale et pourtant paradoxale entre la vitesse et la lenteur. Contre l’hypermodernité, le mouvement Slow s’est levé et a conquis de nombreuses marques. La vie slow, non pas lente, répond à deux logiques, une stratégie personnelle, individualiste et une autre collective. La première vise une optimisation, un ménagement de ses propres capacités. La deuxième répond à des enjeux sociétaux plus profonds, plus inquiétants, et surtout plus idéologiques. Les deux partent du constat de la vitesse, de l’accélération du monde et proposent une vision du monde, une idéologie du bonheur tranquille.
Pour mieux comprendre les forces à l’œuvre et la diversité des expressions discursives et matérielles, nous avons resserré notre sujet autour du magazine Flow, dont la ligne éditoriale est une véritable récupération et appropriation de la philosophie du Slow. Flow s’attèle ainsi à diffuser une idéologie du bonheur tranquille, du bien-être et de la pleine conscience, embrassant totalement la logique personnelle du slowlife. C’est pour mieux s’associer aux annonceurs, préparer les conditions d’une consommation slow. Le magazine met en place un dispositif matériel et discursif pour faire passer une vision du monde, en se positionnant paradoxalement comme un accélérateur de la lenteur heureuse.
Pour fabriquer sa propre vision du Slow, Flow s’inspire de multiples philosophies et sagesses anciennes, de l’exotisme d’un ailleurs et de recettes toutes faites pour être heureux. Le Slow de Flow est un concept circulant, modelé et ciblé pour une certaine catégorie sociale, qui peut justement jouir de son temps. Ce mémoire nous a permis de questionner les enjeux idéologiques de la circulation des idées dans la sphère sociale, de comprendre leur aspect vivant qui se fait et se défait au contact d’autres idées, en ayant toujours besoin de construire une identité forte, c’est-à-dire contre, pour exister.