La figure mythologique de Cassandre est marquée du sceau de la persécution. Elle est condamnée à n’être jamais crue par Apollon, emportée comme butin par Agamemnon lors de la chute de Troie et assassinée par Clytemnestre lors de son arrivée à Mycènes. Les guerres qui jalonnent le XXe siècle en font un siècle de douleur et de destruction. Les auteurs de ces périodes belliqueuses sont, comme Cassandre, confrontés à la difficulté de s’exprimer dans un contexte guerrier. Jean-Paul Sartre en 1965 dans sa réécriture des Troyennes d’Euripide, Jean Laude en 1982 dans Le Dict de Cassandre et Christa Wolf en 1983 dans Cassandre, les prémisses et le récit mettent en scène cette douloureuse expression. Dans quelle mesure et selon quelles modalités l'expression de la souffrance personnelle de Cassandre devient-elle une mise en scène des violences extrêmes qui habitent le XXe siècle ? Ce travail aborde l’aspect théâtral et lyrique de la figure dans les œuvres dans lesquelles elle apparaît ainsi que son ancrage dans le XXe siècle. Porteuse de la souffrance de tout un peuple, et pourtant marginalisée, elle incarne la voix douloureuse des auteurs qui tentent de prévenir en vain leurs contemporains des dangers qui les guettent, malgré un désir collectif d’ignorance.