Introduction : dans tous les pays du monde, la dépression du post-partum touche 10 à 15 % des femmes. En France, plus de 100 000 femmes sont en grande détresse lors de l’année qui suit la naissance de leur enfant, et seulement la moitié d’entre elles trouve à qui s’adresser. Si les dépressions périnatales ne sont pas prises en charge rapidement, elles entravent l’établissement d’un lien mère-bébé harmonieux, indispensable pour le développement psycho-affectif du bébé et le devenir de l’enfant. Les médecins généralistes, acteurs pivots de la prévention primaire en France, ont un rôle majeur à jouer dans la prise en charge des femmes à la sortie de la maternité et lors du retour à domicile. L’objectif principal de notre étude était d’explorer les représentations des médecins généralistes concernant les troubles de la relation mère-bébé et leur dépistage précoce. Méthode : nous avons réalisé une étude qualitative inspirée de la théorisation ancrée auprès de médecins généralistes en exercice dans la région PACA. Le recrutement des participants à notre étude a été effectué selon un échantillonnage raisonné théorique. Des entretiens individuels semi-dirigés ont été menés d’avril à septembre 2021, retranscrits intégralement, puis encodés par deux chercheurs. Résultats : l’analyse de ces entretiens a mis en évidence la spécificité de la consultation de suivi du nourrisson aux yeux des médecins généralistes, tant par sa complexité et densité (impliquant une consultation chronophage) que par sa tridimensionnalité (médecin-parent-enfant). Pendant ces consultations, les généralistes sont attentifs à l’état de fatigue des mères et s’appuient sur leur ressenti pour évaluer leur santé mentale, notamment leur anxiété. Toutefois, les médecins interrogés n’ont pas fait mention de lien direct entre trouble psychologique maternel et trouble de la relation mère-bébé. Ils évaluent la relation mère-bébé en s’appuyant sur un ensemble d’éléments obtenus par l’interrogatoire et par leurs observations au cours de la consultation. Ils ont également identifié les facteurs de risque et les facteurs protecteurs de trouble de la relation. Malgré le fait qu’ils n’utilisent pas d’outil de dépistage des troubles du lien, ils ont identifié les éléments facilement observables en consultation et faisant partie des échelles de dépistage. Les généralistes interrogés privilégient leur ressenti pour faire ce dépistage, mais ils expriment toutefois quelques difficultés, notamment pour évaluer la gravité de la situation et décider de la prise en charge adéquate. Discussion et Conclusion : à la lumière de la campagne de santé publique sur les 1000 premiers jours, notre travail de recherche s’inscrit dans l’actualité du monde de la santé en périnatalité. Si nous avons montré que le dépistage des troubles de la relation mère-bébé est une problématique qui concerne évidemment les médecins généralistes, nous avons également mis en évidence que seuls les médecins intéressés et sensibilisés à cette problématique se sentent à l’aise avec ce dépistage. Devant la multitude de domaines à maîtriser, les généralistes considèrent souvent que ce thème n’est pas prioritaire. Ils méconnaissent en fait probablement la fréquence des troubles psychiques du post-partum, ainsi que les conséquences qu’ils ont sur l’interaction mère-bébé et à plus long terme sur le développement cognitif et psycho-affectif de l’adulte en devenir. Pour aider les médecins généralistes dans ce dépistage des troubles du lien sans les surcharger, nous pensons qu’il serait judicieux d’apporter quelques ajouts au carnet de santé afin d’évaluer les éléments importants de la relation mère-bébé et l’état émotionnel de la mère. De plus, un complément pourrait être apporté à l’application pour smartphones « 1000 premiers jours », qui serait à destination des soignants de premier recours pour les aider dans leur dépistage des troubles du lien ainsi que dans leur prise en charge.