Introduction : la stratégie diagnostique et thérapeutique des infections liées aux fractures est actuellement en évolution et souffre de l’absence de recommandations de haut niveau de preuve. Fréquentes chez les patients polytraumatisés, les fractures ouvertes sont réputées plus graves et plus à risque d’infection du site fracturaire. L’objectif de cette étude est de décrire une population de polytraumatisés avec fracture ouverte ayant présenté une infection du foyer de fracture ou fracture related infection (FRI), leur prise en charge ainsi que les facteurs de risque d’infection et d’échec de traitement. Méthode : cette étude rétrospective monocentrique inclut les patients pris en charge au sein de la filière “polytraumatisé“ de l’Hôpital d’Instruction des Armées Sainte-Anne de décembre 2016 à décembre 2020 et qui présentaient dans leur bilan lésionnel initial une fracture ouverte. Les caractéristiques démographiques, traumatologiques, microbiologiques et les étapes de la prise en charge ont été recueillis. Résultats : 70 patients d’âge moyen 39,5 ans, sex ratio : 4.38, ont été inclus, répartis à part égale en deux groupes en fonction de la présence ou non d’une FRI. Les lésions présentées étaient principalement de grade II/III (77,1 %) et prédominaient au niveau du membre inférieur avec 52,9 % au tibia et 18,6 % au fémur. Les FRI étaient considérées comme tardives (> 2 semaines) dans 28 cas. Staphylococcus aureus (45,7 %), Staphylococcus epidermidis (31,4 %) et Enterobacter cloacae (20%) étaient les plus fréquemment associés aux FRI. La proportion d’E. cloacae était significativement plus importante parmi les patients n’ayant pas reçu de gentamicine (p=0.027). Les facteurs associés significativement à une augmentation du risque d’infection étaient (OR et IC95 %) le sexe masculin (12,66 [2,75 ; 92,88]) et les grades II ou III de Gustilo-Anderson (3,94 [0,98 ; 18,23]), tandis que la localisation de la fracture au membre supérieur était associée à une diminution de ce risque (0,08 [0,01 ; 0,35]). Les infections osseuses liées aux fractures documentées à E. cloacae survenaient de manière plus précoce (p=0,01) et celle à staphylocoques non-aureus plus tardivement (p<0,0001). Le taux de succès thérapeutique global était de 54,3 % (19 cas). Le seul facteur de risque d’échec de traitement était l’âge pour le traitement des fractures de grade II. Conclusion : les caractéristiques de cette cohorte mettent en exergue l’importance de la gravité et du site lésionnels dans l’appréciation du risque infectieux. Les données microbiologiques incitent à optimiser les prescriptions en matière d’antibioprophylaxie. Le pronostic des FRI reste défavorable et doit motiver une meilleure filiarisation de ces patients, en collaboration avec les différents acteurs de la prise en charge, incluant les praticiens de premier recours.