Ce travail de recherche souhaite renouveler la vision de trois magnifiques recueils villiériens : L'Amour suprême (1886), les Histoires insolites (1888) et les Nouveaux contes cruels (1888). Injustement dévalués par rapport aux Contes cruels (1883), ces recueils soulèvent pourtant de nombreuses questions et enjeux. J'ai choisi ici trois niveaux de réflexion. Sur le plan poétique, il s'agit moins de consacrer le recueil villiérien comme genre littéraire à part entière que de montrer la proximité des contes avec les formes non littéraires de la chronique et du fait divers. Sur le plan critique, il s'agit de remettre en cause le mythe de l'auto-référentialité de la littérature et de proposer une lecture en partie « actualisante » des textes de Villiers de l'Isle-Adam. Au niveau anthropologique, il s'agit d'explorer les mécanismes de la fonction fabulatrice à l'œuvre dans la lecture comme dans nos vies. Sur un ton qui refuse volontairement la prétendue objectivité et neutralité du chercheur, j'essaie donc de donner du sens à l'entrée de l'actualité dans les recueils villiériens, d'explorer les frontières entre les discours littéraires et non littéraires, de mettre en valeur l'éclairage que l'œuvre villiérienne apporte sur le présent et de découvrir les rapports plus ou moins volontaires et dangereux qui s'établissent entre ce que nous appelons le réel et ce que nous appelons la fiction. De Jean-Marie Schaeffer à Vincent Jouve, en passant par Nancy Huston, Thomas Pavel et Jean Decottignies, mon travail est trop ambitieux pour ne pas être conscient de ses limites. Au lecteur de les transgresser !