Longtemps, l'intérêt général fut associé à la figure de l'État central. Historiquement, la puissance publique s'est en effet systématiquement appuyée sur ce principe fondamental de légitimation, la mobilisant au point d'en faire une véritable idéologie destinée à renforcer le consensus autour de l'État et à renouveler en permanence la croyance dans le bien-fondé de son intervention. Dans l'esprit de tout un chacun perdure d'ailleurs encore l'idée que les choix justes et utiles à la collectivité ne peuvent être impulsés qu'à l'échelon national, par des acteurs surplombant les intérêts particuliers. Peut-on dès lors concevoir que les choix collectifs légitimes puissent être le fruit de discussions locales impliquant, qui plus est, les citoyens ? Peut-on voir dans le transfert de responsabilités qui s'est opéré vers le niveau local et au bénéfice des citoyens les prémices d'une refondation de l'idéologie de l'intérêt général, à travers la construction territorialisée et démocratisée du bien commun ? L'étude des comités de quartier à Pont de Claix, ville qui promeut pourtant résolument la participation citoyenne, prouve toute la difficulté d'une telle tâche : le risque d'instrumentalisation de ces instances comme la tendance prégnante à l'individualisme sont réels, et la révolution des pratiques qu'implique l'institutionnalisation du débat public ne va pas sans s'accompagner de conflits. Il semble bien que l'élaboration d'un intérêt général participatif, à l'échelle locale, soit possible, à condition que les interactions entre les différents acteurs génèrent une adaptation progressive de chacun qui permette de fonder un accord commun, quoique toujours rediscutable, sur les valeurs, les intérêts et les connaissances à valoriser.