L’histoire naturelle de la maladie de Crohn à début tardif (> 60 ans) est souvent considérée comme moins sévère dans les études en population. Cependant, l’histoire naturelle de la maladie de Crohn (MC) avec lésions ano-périnéales (LAP) suppurées est inconnue. Il existe de plus un manque de données concernant les traitements applicables pour les LAP dans cette population fragile.
Le but de l’étude était de décrire la prévalence, l’histoire naturelle, et les traitements des LAP suppurées chez les patients diagnostiqués pour une MC après 60 ans.
Méthodes :
Tous les patients diagnostiqués pour une MC après l’âge de 60 ans entre 1988 et 2006 ont été inclus (n=372). La LAP suppurée était définie par un abcès ou une fistule périnéale et était classée selon la classification de Cardiff. Une régression logistique et un modèle de Cox étaient utilisés pour identifier les facteurs associés à la survenue de la LAP.
Résultats :
Trente-quatre patients (34/372, 9%) ont été diagnostiqués avec une LAP au moment du diagnostic de MC. Après un suivi médian de 5,1 ans [3,0 . 9,5], un total de 59 patients (59/372, 16%) ont présenté une LAP. La probabilité cumulée de présenter une LAP à 5 ans était de 8,8% [IC 95%, 5,9 ; 13,0]. Trente-neuf pour cent des patients (23/59) avaient une fistule complexe. À la fin du suivi, une incontinence était observée chez 22% des patients qui ont présenté un LAP comparé à 4% des patients sans LAP. Au diagnostic de la MC, la présence d’une rectite était significativement associée avec la survenue d’une LAP (Odds Ratio 2,3 [IC 95% 1,1 ; 4,9]). Durant le suivi, la proctite isolée (OR 4,3 [1,7 ; 10,7]) et la localisation colique (L2) (OR, 4,4 [IC 95%, 1,01 ; 4,23] étaient significativement associées avec l’apparition d’une LAP. La MC ano-périnéale était significativement associée avec l’exposition aux immunosuppresseurs à 5 ans (29,6% [15,9 ; 50,9] versus 16,8% [12,8 ; 22] ; p=0,03). Le recours aux immunosuppresseurs était moins fréquent en analyse multivariée à un âge supérieur à 70 ans (p=0,02) et était significativement associé aux LAP (p=0,02). Seize pour cent des patients avec LAP recevaient des anti-TNF et 24% avaient une stomie définitive comparativement aux patients sans LAP suppurée.
Conclusion :
Dans une large cohorte basée en population, environ 20 % des patients présentaient une LAP suppurée. La survenue d’une LAP était associée à la localisation colique pure et à la présence d’une proctite. Ces patients ont reçu plus fréquemment des immunosuppresseurs qui sont associés à un risque augmenté de troubles lymphoprolifératifs avec l’âge avancé. Malgré cela, un quart des patients avait une stomie définitive. Ces résultats suggèrent que les biothérapies doivent être évaluées chez ces patients.