Pierre Loti, auteur peu connu de nos jours ; le désert, thème emblématique depuis la Bible : le mélange ne pouvait être que savoureux. La question essentielle de ce travail est celle de la création : comment innover ? Comment créer encore à partir de ce genre de littérature qu’est le récit de voyage ? avec le thème du désert ? Comment Loti a-t-il su le réinventer ? Cette étude cherche durant tout son déroulement à comprendre la place des topoï et des influences du siècle dans cette relation de voyage, ainsi que le regard subjective de l’auteur : comment parvient-il à ordonnancer tout cela ? Reste-il dans la tradition ou s’ouvre-t-il à une création unique et moderne ? Avec une inspiration toute baudelairienne, Loti a su inviter le lecteur dans son « infini désert rose ». Par ces nuances rosées sombrant très vite vers le gris, le désert lotien brise les codes. « [N]i terribles aventures, ni chasses extraordinaires, ni découvertes, ni dangers » ne surgiront dans ce livre posant une nouvelle problématique : et si un voyage sans aucune aventure était possible ? L’une des premières manifestations du génie de Loti règne dans la construction du texte, qui glisse du récit de voyage à la poétique « d’une lente promenade ». L’aventure cesse face au règne du contemplatif et de l’écriture du rien. Mais Loti ne s’en arrête pas là, il décide de donner une perspective très fantasmagorique au désert et à son écriture. Grâce à ces représentations fantaisistes, Loti lie au désert ses questionnements littéraires et existentiels, entre quête et fuite d’un monde. Le désert biblique se renouvelle ainsi en plongeant au cœur des préoccupations de la fin du XIXe siècle.