La question de l'espace revêt une importance cruciale pour Merleau-Ponty, au point qu'il fait de celle-ci le chiffre de l'Être. Toutefois, de quelle manière faut-il comprendre l'espace pour qu'il ait une portée ontologique primordiale et originaire ? Certainement pas selon la conception du scientisme ou de la pensée objective, qui réduisent la question de la spatialité à un espace homogène, isotrope, déterminé, objectif et partes extra partes. Loin de réduire la réalité ou notre expérience à cet espace objectif, Merleau-Ponty tente de remettre cette construction artificielle et dérivée sur le sol du monde de la perception dont elle est tirée. C'est cette entreprise que nous examinons dans ce travail, au fil de la philosophie de Merleau-Ponty dont la continuité peut se lire dans le souci constant, répété et approfondi de faire droit à la richesse de notre expérience de l'espace. Par conséquent, après avoir proposé un résumé des préjugés, valeurs et opérations qui mènent à la constitution d'un espace objectif, nous suivrons le cheminement qu'emprunte Merleau-Ponty dans la Phénoménologie de la perception pour essayer de libérer notre expérience de l'espace du prisme objectif en le confrontant à des expériences psycho-pathologiques qui mettent en lumière une conception élargie et plus diversifiée de l'espace, en deçà de la spatialité objective. Cependant, cette tentative demeure tributaire de certains préjugés qu'il nous faudra souligner, avant de les dépasser en oubliant nos vieilles dichotomies (notamment celle du sujet et de l'objet) et en redéfinissant les catégories traditionnelles de la philosophie (comme celles du corps, de l'esprit ou du visible et de l'invisible) à l'aide de la description de l'espace lui-même, selon l'approche ontologique du dernier Merleau-Ponty.