Longtemps occultée ou minorée, la Collaboration française, politique d’alliance mise en place dès 1940 entre la France de Vichy vaincue et l’Allemagne nazie triomphante, a été la grande oubliée des années noires avant de revenir sur la scène politique et culturelle au début de la décennie 1970. Cependant, dès la fin de l’Occupation allemande en août 1944, la bande dessinée que l’on appelle alors avec mépris récit en images ou illustré fait le plein d’histoires héroïques sur la Résistance où s’opposent des patriotes à des nazis aidés de traîtres. Ces « mauvais Français » qui agissent pour divers motifs d’ordre idéologique ou économique et qui connaissent le plus souvent un destin tragique apparaissent dans les périodiques de l’après-guerre puis les albums au tournant des années 1980. Le présent mémoire vient questionner les différentes époques couvrant l’après-guerre à nos jours, périodicités notamment mises en lumière par les historiens Henry Rousso ou Pierre Laborie, et remettre en perspective les évolutions historiographiques entourant la Collaboration et ses partisans les collaborateurs. Cette étude n’aurait pu s’imaginer sans la touche décisive des artisans à l’origine de ces oeuvres de papier originales : les scénaristes et dessinateurs. La série d’entretiens ponctuant la recherche dévoile ici un pan encore assez méconnu de la création « bédéistique » pure. Quelles sont les sources d’inspiration sollicitées par les auteurs ? Quelle place la fiction occupe-t-elle dans une série ou one-shot dit réaliste ? Et qu’entend-on par « bandes dessinées historiques », terme couramment employé depuis une trentaine d’années ? Ces questions quoique essentielles n’ont pas la prétention d’avoir toutes les réponses. Elles posent simplement des pistes de réflexion dans le prolongement du séminaire des Écritures visuelles de l’histoire (2014-2016) dans le but d’inviter les chercheurs à explorer de nouveaux horizons au sein d’une Université réceptive au médium.