Le voyage est une pratique centrale de la modernité par sa propension à mettre en relation des mondes distants. La découverte, le plaisir, l’exploration sont autant de frissons qui parcourent les voyageurs du Settecento tandis qu’ils sillonnent les routes de l’Italie. Je propose ici d’en accompagner quatre, Montesquieu, Charles de Brosses, Joseph Jérôme de Lalande et le Marquis de Sade, afin de voir avec eux l’image de cette Italie morcelée et multiple, unie semble-t-il seulement par sa langue et par sa foi. La prégnance de l’institution ecclésiastique dans la péninsule, à une époque travaillée par les idées nouvelles des Lumières, se doit d’être interrogée, et le sacré qui l’accompagne se lit dans mille objets que voient les voyageurs : des reliques aux tableaux, sans oublier les églises. En accompagnant ces pèlerins de la modernité, qui suivent les traces codifiées du Grand Tour, on voit l’Italie se dessiner comme tout à la fois terre de richesse intellectuelle, par l’héritage des antiques et de la Renaissance, et comme terre considérée la plus décadente du monde, antithèse des Lumières. Le voyageur est ainsi pris comme témoin privilégié, dont le regard dit autant de l’objet qu’il contemple que de son propre cheminement intellectuel. Le voyage de ces représentants de la République des Lettres nous apparaît alors comme la marque d’une pensée de l’histoire, qui se façonne au XVIIIe siècle, et qui tend à faire de la Raison la nouvelle religion.