Dans leur article «Évaluation des connaissances précoces prédictives de l’apprentissage de la lecture en grande section de maternelle», Hélène Labat, Sarah-Lise Farhat, Sandra Andreu, Thierry Rocher, Laurent Cros, Annie Magnan et Jean Ecalle concluent en écrivant : «On pourra regretter le faible nombre de recherches françaises quasi expérimentales dans le but d’une validation scientifique des techniques pédagogiques». Ils expliquent que Mialaret (1954), «prônait déjà une « pédagogie expérimentale »,c’est-à-dire « une réflexion pédagogique qui peut se situer sur le plan scientifique et être constituée par l’attitude objective et expérimentale devant les faits d’éducation » (p. 310). Mialaret (1954) s’exprimait ainsi: « Il y a, à l’intérieur même de la pédagogie, une part réservée à la découverte des procédés divers pour mieux faire la classe. [...] On peut se contenter d’une analyse intuitive et sentimentale; on peut, au contraire, exiger une analyse rigoureuse et scientifique. C’est la dernière solution que nous avons adoptée » (Mialaret, 1954, p. 313).C’est une démarche semblable à celle proposée par Mialaret que nous avons souhaité mettre en œuvre dans le travail que nous présentons ici. Non que nous ayons l’ambition de présenter un travail de recherche expérimentale qui aurait pour but une validation scientifique des pratiques pédagogiques que nous présentons dans cet écrit, mais c’est bien avec le souci et l’envie de découvrir et de développer des procédés permettant de mieux faire la classe que nous avons mené nos observations. Le travail présenté dans ce mémoire traite de la question de l’enseignement des compétences d’orientation dans l’espace nécessaires à la compréhension de l’environnement tel qu’il est organisé dans notre société. Il traite notamment de la capacité à balayer l’espace de la feuille de la gauche vers la droite en suivant une ligne horizontale. Notre environnement et la lecture que nous faisons des informations qui le composent respectent une organisation normée : en France, les informations se lisent de la gauche vers la droite en suivant une ligne horizontale, et/ou du haut vers le bas, en suivant une ligne verticale. Ces organisations de l’espace forment une norme, un code, partagés par tous : nous produisons des informations en respectant ces normes et nous lisons des informations en ayant connaissance de ces normes. L’instauration d’une telle norme permet la communication entre individus qui partagent les mêmes règles: je peux lire une information car je maîtrise les codes qui la mettent en forme, je peux produire une information qui sera comprise par un tiers si celui-ci maîtrise les mêmes codes que moi. Beaucoup de situations pédagogiques proposées par les enseignants nécessitent de savoir s’orienter dans l’espace de la feuille. Nombre d’entre elles nécessitent de maîtriser les notions d’origine, d'orientation, de direction et d'ordre. Chez les adultes, ces concepts sont intégrés au point qu'ils n'ont plus conscience de l'utilisation qu'ils en font. Cette maîtrise nous semble aller de soi mais elle n'est pas naturelle pour les élèves. Ces derniers sont parfois (souvent) placés en difficulté non pas parce qu'ils ne maîtrisent pas la compétence qui semble être travaillée mais parce que la tâche à effectuer fait appel à des connaissances liées au monde de l’écrit, non identifiées par les enseignants. Les élèves ayant une culture de l'écrit ou baignant dans un environnement orienté investissent les situations différemment de ceux qui ne mobilisent pas ces compétences en dehors du cadre scolaire. Comment les individus acquièrent-ils cette compétence à traiter les éléments de l’espace de la gauche vers la droite? Comment cette compétence est-elle enseignée aux jeunes enfants?