Dans quel cadre culturel et moral les enfants italiens ont-ils grandi durant le fascisme ? Quel regard ont-ils porté sur les préceptes qui leur étaient imposés ? Grâce à un corpus de quarante cahiers scolaires valdôtains et piémontais que nous avons étudiés dans leurs détails linguistiques et dans leur contenu statistique, nous avons cherché des éléments de réponse à ces questions et mis en évidence la manière dont les enfants, scolarisés en primaire, se confrontaient aux nombreux impératifs éducatifs que leur transmettaient l’école, la religion et l’idéologie fasciste. Les enfants devaient s’inclure dans un temps « encadré », centré sur le devoir d’étudier et travailler, de vivre en bon chrétien et de participer aux célébrations fascistes et nationales. Il leur était également demander d’assimiler un ensemble de préceptes moraux basés sur la discipline du corps, l’éthique de la culpabilité et l’éducation à l’obéissance et au sacrifice patriotique. L’étude de la réception de ces différents préceptes par les enfants montre que les traditions scolaire, religieuse et patriotique furent adroitement récupérées par le régime fasciste, faisant de la fascisation l’aboutissement d’un processus culturel de longue durée. Du point de vue des enfants, la structure culturelle et morale qui en ressort consistait en un syncrétisme qui pesait sur leurs épaules, les faisant se sentir en décalage avec les modèles de vertus, d’ordre et de dévouement qui leurs étaient donnés.