Suggérer des mouvements de cadre au sein d’un média fixe et discontinu. Étude de la cinématographicité de trois bandes dessinées : Travelling Square District (Greg Saw, 2010), 3 secondes (Marc-Antoine Mathieu, 2011), Thornhill (Pam Smy, 2017)
Résumé
Les écrits sur la bande dessinée sont particulièrement hantés par des allusions cinématographiques : les deux médias partagent en effet une forme de narration visuelle sérielle qui paraît encourager la comparaison, bien qu’elle soit très souvent abusive. Pourtant, grâce à l’hégémonie du cinéma dans la sphère médiatique et à la puissante capacité de réappropriation de la bande dessinée, il existe des œuvres bédéiques dont le dispositif repose précisément sur la suggestion de caractéristiques cinématographiques : c’est ce que nous nous proposons d’étudier avec les 3 œuvres de notre corpus dont une certaine cinématographicité se manifeste par le biais de l’établissement de mouvements de cadre évoquant ceux de la caméra. On le voit dans les discours qui les entourent, 3 secondes, Travelling Square District et Thornhill suggèrent efficacement des travellings ou des zooms, quand bien même la bande dessinée ne peut que décomposer en une suite d’images fixes un mouvement continu. La discontinuité due aux intervalles entre les cases n’est pas un véritable écueil à ce média protéiforme ; ces œuvres l’illustrent en présentant un certain nombre de caractéristiques cinématographiques (rapport au(x) temps, forme et nature ambigües des images, fixité et animation), sans jamais remettre en cause ce qu’elles sont. En se situant « aux bords du cinéma », elles nous invitent à une réflexion sur les éléments spécifiques et les frontières poreuses des médias, en l’occurrence le cinéma et la bande dessinée.
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)