Si la bataille d'Azincourt (25 octobre 1415) constitue la plus célèbre victoire d'Henri V de Lancastre sur l'armée royale des Valois, elle est aussi connue comme l'une des plus meurtrières de la guerre de Cent Ans. Cette surmortalité n'est pas seulement un effet de la violence de l'affrontement sur le champ de bataille, mais résulte aussi d'un événement hors norme : l'exécution de sang-froid et sur ordre royal de nombreux prisonniers de guerre dans le cours même de la bataille. L'irruption de cette tuerie dans le cadre de « l'événement-bataille », théoriquement codifié selon un certain nombre de règles, a rapidement posé problème aux auteurs contemporains. L'analyse fine et la confrontation des différentes versions des faits au récit global qui paraît émerger de la production des chroniqueurs permet à la fois de mettre en évidence un terreau favorable à la survenue d'une telle anomalie et de souligner l'embarras manifeste des auteurs face à un massacre inopiné difficile à insérer dans le récit conventionnel de la bataille. De même, l'exécution en masse des captifs semble violemment contredire les usages liés au rançonnement, qui occupe une place prépondérante à la fin du Moyen Âge à la fois dans l'économie de guerre et dans la relative sécurité que la noblesse combattante tente d'associer à l'exercice du combat. L'événement s'inscrit toutefois dans une certaine tendance à la déformation de cette pratique dans le cadre des batailles de grande envergure. Il semblerait que les circonstances propres à la bataille d'Azincourt, entre la présence du roi, l'intensité et surtout la confusion de l'affrontement, aient contribué à faire déraper une décision tactique discutable.