À qui appartient le jugement des crimes ? Si nous sommes naturellement tentés de prime abord de répondre : « à la cour d’assises [!] », la réponse ici, doit être en réalité plus nuancée. La participation des jurés, jusqu'alors juges naturels des faits criminels, tend à se marginaliser. L’introduction à titre expérimental par une loi du 23 mars 2019 puis la généralisation des cours criminelles départementales n’en est qu’une illustration. Cette nouvelle juridiction désormais présente sur l’ensemble du territoire français est composée exclusivement de cinq magistrats professionnels. Compétente pour juger les auteurs majeurs de crimes punis de quinze à vingt ans de réclusion hors récidive, ce sont dorénavant deux juridictions criminelles qui doivent cohabiter. La cadette a toutefois tendance à concurrencer l'aînée. Elle promet, en effet, par l’éviction des jurés de rendre la justice dans de plus brefs délais, d’être moins dispendieuse et toujours plus respectueuse des qualifications criminelles contrairement à l’institution séculaire des Assises, qui elle a propension à sacrifier ces trois aspects. Pour autant, les iconoclastes cours criminelles ont connu leur lot de détracteurs dont, le plus illustre, Éric Dupond-Moretti alors garde des Sceaux, s'indignait de cette généralisation qui marquait, selon lui, « la mort de la cour d’assises ». Les critiques qui lui sont portées se recoupent en deux faces, toutes deux versant d’une même pièce, car elles causent la dissolution des principes intrinsèques à la cour d’assises. Les cours criminelles seraient coupables d’un outrage démocratique porté par l’éviction du jury populaire et d’une atteinte prétendue à l’oralité des débats. Or, l’effacement des spécificités attenantes aux juridictions criminelles dont on l’accable existait d’une part, antérieurement à l’émergence des cours criminelles départementales, et d’autre part, dépasse les seules frontières françaises en s'inscrivant dans une large mouvance européenne. La multiplication des cours d’assises spécialement composées ou encore la remise en cause des juges-citoyens en dehors des cours d’assises n’en sont que des exemples. Face à ce constat, il reste cependant légitime de se demander, que reste-t-il des faits criminels aujourd’hui renvoyés devant une cour d’assises ? Les cours criminelles sont-elles finalement la bouée de sauvetage des cours d’assises ou portent-elles le coup fatal tant redouté à cette institution ?