L'Usage du monde ne présente pas moins de quarante-cinq dessins à l'encre signés Thierry Vernet, tandis que Sur la route de Babadag, dans son édition originale, place en couvertures et en cœur d'ouvrage des clichés de photographes plus ou moins renommés : Witold Krassowski, Wojciech Prażmowski et Andrzej Kertész. La différence n'est pas des moindres quant à la quantité et à la qualité des images dans les textes. Ce mémoire part d'une perplexité : il y a bien des images dans ces deux récits de voyage, mais ces images sont "bizarres". Elles ne correspondent pas à ce qu'on attendrait d'images de voyage dans la mesure où elles n'ont a priori pas de valeur référentielle, qu'elle soit testimoniale (j'y suis allé !) ou incitative (allez-y !). Qu'apportent ces images au récit de ces voyages ? De plus (ou par conséquent ?), ces mêmes images sont passées sous silence par la critique voire tu(é)es par les éditeurs étrangers : coupes et sélections des dessins et des photographies, suppression et remplacement des couvertures originales. Pourquoi une telle censure ? Ce mémoire se penche sur ces images discriminées et la place qu'elles occupent dans l'économie et le sens des œuvres. L'analyse de l'image dans ces récits ne se limite pas à leur présence graphique. Nous engageons la réflexion au-delà d'une acceptation purement physique de l'image pour prendre en compte sa réalité psychique, individuelle et collective. Notre analyse nous emmène sur les chemins de l'image mentale. Le récit de voyage relevant du genre autobiographique, il s'agit bien pour les écrivains de traduire fidèlement leur voyage, en texte et en image, en jouant sur les images communes, en traduisant les image perçues, en ressuscitant les images passées, en inventant des images futures. Ce sont tous ces rapports à l'image dans les œuvres que nous nous proposons d'interroger : pourquoi des images ? Quelles images et quel référent ? Que disent-elles du voyage ? Que disent-elles de nous ?