Le temps s’accélère et se densifie dans les sociétés industrielles contemporaines en constituant un régime d’urgence généralisée érigée en « système » (Aubert) qui se propage et « s’immisce partout » (Bouton). Ce phénomène tend vers un point de basculement, de saturation se traduisant physiquement dans les paysages. L’urgence environnementale appelle à son tour l’urgence de réfléchir et de réagir de manière immédiate au risque de courir à la catastrophe. Quelles transformations spatiales, temporelles, sémantiques et ontologiques l’urgence engendre-t-elle ? À quel(s) moment(s) l’urgence intervient-elle dans le processus créatif et contraint-elle les représentations dans la photographie de paysage ? Que peuvent révéler les contradictions temporelles propres à l’urgence et au médium photographique ? Ce mémoire se propose d’étudier les expressions de l’urgence chez trois photographes nord-américains contemporains : Richard Misrach (1949-....), Edward Burtynsky (1955-....) et David Maisel (1961-....). Nous tenterons de mener une approche esthétique des paysages anthropo-marqués qui tend à dépasser le paradigme du sublime au profit d’une exploration des épaisseurs géologiques du temps, à la recherche de motifs émergents, de langages plastiques et de récits visuels de l’urgence environnementale. La notion de trace deviendra un fil traversant de notre réflexion, revêtant de multiples acceptions, de l’empreinte à l’écriture (Ginzburg, Derrida). Nous nous demanderons alors de quelles manières l’urgence s’écrit en photographie et par quelles formes, couleurs et signaux elle s’inscrit dans le paysage.